L’éditorial de juin 2022

"Changer de perspective", par Céline Bozon, coprésidente de l’AFC

Contre-Champ AFC n°332

Ce qui est très beau, dans l’exposition "Pionnières" au musée du Luxembourg, c’est l’impression de toute l’histoire de l’art revisitée. Après des siècles de "vierges à l’enfant" à la moue plus ou moins dubitative ou joyeuse, souvent énigmatiques… (que pense la vierge, au juste ? ). Cette "mère" de toutes les mères plus ou moins attentive ou caline qui tient dans ses bras un enfant charnu et charmant.

Après des siècles de nu(e)s sublimes et sublimé(e)s, de corps plus ou moins idéalisés selon les périodes et les standards de beauté mais toujours lascives et en attente ou provocantes.

Le Perugin, "Vierge à l'enfant" - National Gallery of Art
Le Perugin, "Vierge à l’enfant"
National Gallery of Art

Apparaissent des corps avachis, en dehors de tout canon de beauté, des corps plus ou moins "désespérés", des corps non désirables, des corps prostrés.

Ce qui est beau dans le parcours de l’exposition, c’est la sensation de désaxer le regard, de voir sous d’autres angles, par d’autres yeux.
Celui des femmes : une femme regarde une autre femme et nous la donne à voir. Ça paraît terriblement simple et pourtant c’est si terriblement nouveau.

Philippe Descola, dans Les Formes du visible, parle de « décentrer notre regard ».
Je pense que c’est une très belle aspiration.