"La Californie accroît les aides au cinéma pour enrayer l’exode des tournages"

Par Jérôme Marin

La Lettre AFC n°245

Le Monde, 30 août 2014
Si Hollywood reste le symbole du cinéma américain, de plus en plus de films sont désormais tournés loin de ce quartier mythique de Los Angeles. Pour enrayer cet exode, la Californie vient de tripler les crédits d’impôts octroyés aux producteurs de films et de séries télévisées.

L’Etat a ainsi annoncé, mercredi 27 août, que l’enveloppe passera de 100 à 335 millions de dollars (76 à 254 millions d’euros) par an, à partir de l’exercice fiscal 2015-2016 et pour une période de cinq ans. « Cette loi va donner du travail à des milliers de Californiens », assure Jerry Brown, le gouverneur démocrate de l’Etat le plus peuplé des Etats-Unis.
En discussion pendant plusieurs mois, ce projet de loi était notamment soutenu par Eric Garcetti, le nouveau maire de Los Angeles. Depuis plusieurs années, sa ville subit la concurrence de nombreux Etats – 37 sur 50 – qui multiplient les avantages fiscaux aux tournages de films et de séries. Et sont souvent plus généreux et moins contraignants que la Californie.

Déclin visible
Les studios n’ont pas hésité à délocaliser leurs productions, privilégiant notamment New York et, dans une moindre mesure, la Louisiane. « Pendant des années, la Californie a considéré l’industrie du film comme acquise », explique un responsable du bureau du développement économique de la Louisiane.
Cet Etat, désormais rebaptisé l’Hollywood du sud, a été l’un des premiers à courtiser l’industrie du film. « Au départ, les avantages financiers étaient limités, car il fallait ramener de la main-d’œuvre qualifiée depuis la Californie », poursuit-il.

Le succès est désormais au rendez-vous : 18 des 108 principaux longs métrages américains sortis en 2013 aux Etats-Unis y ont été tournés, selon le décompte effectué par Film L.A., un organisme public. C’est davantage qu’en Californie, qui n’en totalise que 15.
« La Californie a touché son pic de production en 2004 », explique un récent rapport du Milken Institute. Depuis, le nombre de jours de tournage de films a chuté de moitié. Le déclin est également visible pour la télévision. « Par le passé, les séries se déroulant à New York, comme “ Seinfeld ” et “ Friends ”, étaient tournées à Los Angeles, rappelle le think tank. Cela est de moins en moins le cas. »

Perte d’emplois
Cet exode a provoqué la perte de plus de 16 000 emplois en Californie dans la production filmée entre 2004 et 2012, selon les statistiques officielles publiées par le département du travail. Sur cette même période, l’Etat de New York a créé plus de 10 000 emplois dans ce secteur, la Louisiane et le Nouveau-Mexique près de 2 000.
Le projet de loi adopté par les parlementaires californiens a pour objectif d’inverser la tendance. « Notre programme de crédit d’impôts est l’un des outils les plus efficaces pour retenir et attirer les productions », assure Amy Lemisch, directrice de la California Film Commission. « Depuis son lancement en 2009, il a contribué à générer 5,4 milliards de dollars de dépenses dans l’Etat. »

L’augmentation de l’enveloppe va permettre d’aider davantage de productions. Cette année, seulement 26 films et séries ont pu profiter des avantages fiscaux, pour près de 500 dossiers déposés. La Californie restera encore en retrait par rapport à New York et son budget de 425 millions de dollars annuels. Mais elle passera devant la Louisiane.

Des modifications importantes
Le projet de loi apporte également deux modifications importantes. Tout d’abord, il met fin au système de loterie, utilisé jusqu’à présent pour choisir les projets qui bénéficient des crédits d’impôts. A la place, une commission examinera les dossiers, privilégiant ceux qui créeront le plus d’emplois.
Par ailleurs, le programme ne sera plus réservé aux films affichant un budget inférieur à 75 millions de dollars. Objectif : attirer à nouveau les blockbusters hollywoodiens, jusqu’ici interdits d’aides et qui se tournaient donc vers d’autres Etats. Sur les 26 films de 2013 dotés d’un budget d’au moins 100 millions, seulement deux ont choisi la Californie comme lieu de tournage principal.

Le projet de loi n’a en revanche pas modifié le montant des crédits d’impôts, compris entre 20 % et 25 % des dépenses engagées dans l’Etat. C’est encore moins qu’à New York et en Louisiane, qui offrent entre 30 % et 35 %. En outre, de nombreux Etats permettent de revendre les crédits d’impôts non utilisés.

(Jérôme Marin, supplément " Economie & Entreprise - Techno & Médias ", Le Monde, samedi 30 août 2014)