La Cinémathèque française lance "Henri", une plateforme de collections de films

Contre-Champ AFC n°308

Dans un communiqué datant du jeudi 10 avril, la Cinémathèque française annonce le lancement de "Henri", une plateforme qui propose, tous les soirs à 20h30, la surprise d’un film rare qu’elle aura sauvegardé et restauré au cours des vingt dernières années. Elle s’est ouverte avec le mise en ligne, ce même jour, du film de Jean Epstein La Chute de la maison Usher (1928), photographié par Georges Lucas.

Plus nombreux que d’habitude sont les visiteurs de site Internet de la Cinémathèque française, fermée depuis le 13 mars, qui s’y rendent pour découvrir des "leçons de cinéma" et des conférences, des sites et des articles consacrés à ses expositions et rétrospectives, sans oublier les trésors de ses collections.
À cet ensemble pédagogique et documentaire, reflet de la richesse de sa programmation et de la vitalité de son action culturelle, s’ajoute désormais la plateforme des collections films de la Cinémathèque, sobrement intitulée "HENRI", pour Henri Langlois, le père fondateur de l’institution. Manière de rappeler que si les grands films de l’histoire du cinéma peuvent se regarder aujourd’hui sur ordinateur et en VOD, c’est parce que ce précurseur et quelques autres ont commencé par les sauver de la benne, avant de les programmer, inlassablement, sans se soucier des modes et du temps qui passe.

Cette mise en ligne d’une infime partie de sa collection, celle dont elle possède les droits de diffusion, répond bien sûr à un contexte très particulier, l’épidémie de Covid-19 et le confinement, mais aussi à la volonté de diffuser le plus largement possible quelques pépites méconnues du patrimoine cinématographique. Très attachée à la projection et à l’émotion partagée dans une salle, La Cinémathèque poursuit ainsi sa mission de transmission et de découverte.
Tous les soirs à 20h30, elle proposera un film parmi ceux qu’elle a restaurés au cours des vingt dernières années. Le site s’enrichira ainsi quotidiennement de merveilles, souvent rares, voire inédites, qui resteront disponibles jusqu’au retour des beaux jours, quand ses salles pourront enfin rouvrir. La programmation ira de 1898 (Films de Paul Nadar) à 2014 (Langlois vu par 13 cinéastes contemporains).

L’ouverture s’est donc faite en beauté, jeudi 10 avril à 20h30, avec la mise en ligne d’un chef-d’œuvre de Jean Epstein, La Chute de la maison Usher (1928), dont les images sont signées Georges Lucas.
Le film a été restauré en 1997 par la Cinémathèque Royale de Belgique, en collaboration avec la Cineteca del Comune di Bologna à partir d’un négatif original noir et blanc avec intertitres en français, conservé par La Cinémathèque française et d’une copie positive nitrate noir et blanc teintée du Nederlands Filmmuseum. La restauration des couleurs fut établie sur base d’une copie positive nitrate noir et blanc et teintée provenant de la Collection Fernando Pereda de l’Archivo Nacional de la Imagen – Sodre (Montevideo). En 2013, le film fut restauré numériquement par La Cinémathèque française et mis en musique par Gabriel Thibaudeau d’après sa partition, interprétée par l’Octuor de France. Les travaux furent confiés aux laboratoires Digimage pour la numérisation et l’étalonnage et à L’Immagine Ritrovata pour la synchronisation.

Quelques-uns des films mis en ligne, à voir ou à revoir :

  • J’ai huit ans, de Yann Le Masson et Olga Poliakoff, avec la collaboration de René Vautier (1961) et Algérie, année zéro, de Marceline Loridan-Ivens et Jean-Pierre Sergent (1962), photographié par Bruno Muel.
  • Incident urbain, de John Lalor (2013), photographié par Eric Gautier, AFC.
    La rencontre, sur l’esplanade de la Bibliothèque François Mitterrand, de deux personnages énigmatiques, Costello (Jean-François Stévenin) et le Colonel (André S. Labarthe). Un long et trouble passé semble lier les deux hommes.
  • Conversation avec Henri Langlois, de Pierre-André Boutang (1975).
    Henri Langlois, interviewé dans le Musée du cinéma au Palais de Chaillot, évoque sa vision de l’histoire du cinéma et des chefs-d’œuvre qui l’ont jalonnée.
  • Protéa, de Victorin Jasset (1913), photographié par Lucien Andriot.
    Rappelons que Lucien Andriot était le frère cadet de Josette Andriot, héroïne de ce film. Il avait débuté au sein des laboratoires Eclair avant de passer derrière la caméra entre 1909 et 1914. Envoyé par Eclair aux Etats-Unis, il s’y installera définitivement et effectuera une belle carrière de directeur de la photographie jusqu’au début des années 1950. Il fut membre de l’ASC à partir d’octobre 1933.
  • L’Inondation, de Louis Delluc (1923), photographié par Alphonse Gibory.
  • Montage de films muets français
    Montage de films et d’extraits de films muets français de 1895 à 1930 réalisé par Henri Langlois pour une projection événement au Palais des Congrès en 1974.
  • Le Fantôme de Robinson Crusoé - Spectacle de lanterne magique.
    Captation d’un spectacle de lanterne magique écrit et conçu par Laurent Mannoni (directeur scientifique du patrimoine de la Cinémathèque française), donné en 2015 au Théâtre impérial de Compiègne dans le cadre du Festival du film historique.
  • The Half-Breed / Le Métis, d’Allan Dwan (1916), photographié par Victor Fleming.
    Avant d’être le réalisateur, entre autres, d’Autant en emporte le vent, Victor Fleming fut bel et bien un excellent opérateur à ses débuts, entre 1916 et 1919, principalement sur les premiers films de Douglas Fairbanks, comme ici dans The Half-Breed.
  • Fièvre, de Louis Delluc (1921), photographié par Alphonse Gibory et George Lucas.
  • Brasil, de Henri-Georges Clouzot (1950), photographié par Armand Thirard.
    Ce film de dix minutes est une autofiction documentaire inachevée que Clouzot souhaitait tourner au Brésil à l’occasion de son voyage de noces avec Véra. Une sorte de mise en abyme d’un tournage qui n’aura pas lieu où les techniciens jouent leur propre rôle : on découvrira ainsi Armand Thirard, directeur de la photographie, Jean Dicop, assistant opérateur, et William Sivel, ingénieur du son.
  • Le Double amour, de Jean Epstein (1925), photographié par Maurice Desfassiaux et Nicolas Roudakoff.
  • La Galerie des monstres, de Jaque-Catelain (1924), sous la direction artistique de Marcel L’Herbier et photographié par Georges Specht, Victor Morin et Jimmy Berliet.
    Séance spéciale pendant dix jours, à partir du samedi 16 mai, organisée par le CNC, Lobster et La Cinémathèque française. Ce film, restauré en 4K, a été choisi par le CNC pour célébrer ses 50 ans d’engagement pour le patrimoine cinématographique. Accompagnement musical par Serge Bromberg.
  • Bérénice, de Raoul Ruiz (1983), photographié par François Ede.
  • Films de Paul Nadar, un montage de films attribués à Paul Nadar et restaurés par la Cinémathèque française aux laboratoires Éclair et CinéNova.
  • Le Lion des Mogols, de Jean Epstein (1924), photographié par Joseph-Louis Mundwiller et Fedote Bourgassoff.
  • Deux courts métrages de René Clair : Paris qui dort (1925), photographié par Maurice Desfassiaux et Paul Guichard, et La Tour (1928), photographié par Georges Périnal et Nicolas Roudakoff.
  • Le Toit de la baleine, de Raoul Ruiz (1981), photographié par Henri Alekan, AFC, (cadreur : Theo Bierkens, NSC ; assistant-réalisateur : François Ede).
    Lire le témoignage de François Ede à propos du tournage du film et du travail d’Henri Alekan.
  • Le Brasier ardent, d’Ivan Mosjoukine (1923), photographié par Joseph-Louis Mundwiller et Nicolas Toporkoff.
  • Gribiche, de Jacques Feyder (1925), photographié par Maurice Forster et Maurice Desfassiaux.
  • Feu Mathias Pascal, de Marcel L’Herbier (1924), photographié par Paul Guichard, Jean Letort, Fedote Bourgassoff et Jimmy Berliet.
  • Albatros, debout malgré la tempête, documentaire de Jérôme Diamant-Berger et Jean-Marie Boulet (2010), avec, entre autres intervenants, Pierre-William Glenn, AFC, Willy Kurant, AFC, et Christian Guillon (Les Tontons Truqueurs).
  • Sans retour possible, documentaire de Jacques Kebadian et Serge Avédikian (1983), photographié par Renan Pollès, qui en avait supervisé la numérisation et la restauration en 2K. La séquence en Arménie soviétique a été photographiée par Jean-Yves Escoffier, AFC.
  • Voir impérativement dans cet ordre, Carne (1991) et Seul contre tous (1998), de Gaspar Noé, photographiés par Dominique Colin. En hommage au comédien Philippe Nahon emporté par le Covid-19 ce dimanche 19 avril. Deux films tournés en 16 mm anamorphique selon le procédé Scope conçu par Thierry Tronchet.
  • Henri Langlois vu par... (2014), série de 13 films en hommage à Henri Langlois, par et avec Bernardo Bertolucci, Souleymane Cissé, Francis Ford Coppola, Stephen Frears, William Friedkin, Costa-Gavras, Kiyoshi Kurosawa, Manoel de Oliveira, Roman Polanski, Jean-Paul Rappeneau, Volker Schlöndorff, Agnès Varda et Wim Wenders.
  • Surprise Boogie, d’Albert Pierru (1956), film directement dessiné sur pellicule image par image.
  • Avril, d’Otar Iosseliani (1961), photographié par Youri Fednev.
  • Le Tempestaire, de Jean Epstein (1947), photographié par Albert Militon et cadré par Robert Schneider.

(Source Cinémathèque française)

Certaines notes concernant les films ci-dessus sont augmentées d’informations complémentaires sur les directeurs de la photographie, rédigées par Marc Salomon, membre consultant de l’AFC.