La Commission Karmitz se saborde

Par René Solis

AFC newsletter n°209

Libération, 29 avril 2011

Adieux. Lancé en 2009 par l’Elysée, le Conseil de la création artistique n’a jamais trouvé sa place. L’annonce officielle devrait intervenir aujourd’hui : un peu plus de deux ans après son installation, en février 2009, le Conseil de la création artistique, présidé par Marin Karmitz, doit annoncer son autodissolution. Un sabordage qui mettra fin à une longue controverse avec une grande partie du monde culturel, obstinément hostile à cet organisme créé ex nihilo par Nicolas Sarkozy.

Le président de la République avait lancé la chose lors de ses vœux au monde de la culture à Nîmes, le 13 janvier 2009. Dénonçant « l’empilement des subventions », il disait vouloir « recentrer les aides sur l’excellence artistique », et avait chargé le producteur de cinéma Marin Karmitz de diriger ce conseil composé d’une douzaine de personnalités, dont la chorégraphe Dominique Hervieu (directrice du Théâtre national de Chaillot), Laurent Bayle (directeur général de la Cité de la musique) et Laurent Le Bon (directeur du centre Pompidou-Metz). Au ministère de la Culture, la mise en place du conseil avait suscité un malaise et été perçue comme une marque de défiance à l’égard de Christine Albanel, la ministre de l’époque.

La première polémique avait porté sur le financement du nouvel organisme – 10 millions d’euros par an –, dont beaucoup craignaient qu’il soit prélevé sur le budget du ministère de la Culture (c’est, en fait, Matignon qui a réglé l’addition). Très remonté contre le conseil, le Syndeac (Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles), avait aussi porté l’affaire sur le terrain juridique, dénonçant notamment une « prise illégale d’intérêt », le conseil ayant attribué des subventions à des établissements dirigés par certains de ses membres.
Malgré les critiques, le conseil aura impulsé une douzaine d’actions d’envergure, dont le projet Walls and Bridges, pensé par Guy Welter, directeur de la Villa Gillet de Lyon, organisé cette année à New York, et centré sur des échanges franco-américains dans le domaine des sciences humaines et sociales ; ou l’Orchestre des jeunes Demos (dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale), destiné à 450 enfants sans pratique antérieure. Et encore le centre Pompidou mobile et le Pont culturel méditerranéen. Emblématique – et très contestée – l’Ecole de cinéma nomade, prévue à l’origine sur une péniche et dirigée par Abdellatif Kechiche n’a pas encore été lancée.

Le conseil vient de publier un gros document, consultable sur son site (1), qui recense et évalue, y compris de façon critique, l’ensemble des actions menées. Un bilan en forme de testament dont les leçons restent à tirer.

(1) www.conseil-creation-artistique.fr

René Solis, Libération, 29 avril 2011