La cinématographie à intelligence artificielle

Par Alfonso Parra, AEC, ADFC

Contre-Champ AFC n°358

Sur son site Internet, la fédération Imago publie un article d’Alfonso Parra, directeur de la photographie d’origine espagnole, installé en Colombie. Auteur de nombreux articles, réflexions personnelles ou analyses techniques à l’ère du numérique, Alfonso Parra nous propose ici une réflexion sur l’incidence de l’I.A. dans la cinématographie tout en s’interrogeant sur le statut du directeur de la photographie. *

Le monde de la direction de la photographie est nécessairement lié à plusieurs aspects de la cinématographie. Le premier est la réalité propre de la caméra en tant qu’outil, qui fait une représentation/interprétation du réel par le biais du processus photographique à travers la perspective du directeur de la photographie. Le deuxième est le récit cinématographique lui-même, qu’il provienne ou non d’un scénario. Le troisième est le traitement ou la manipulation des images, que ce soit dans le laboratoire analogique ou numérique.

Ces trois facteurs, pas nécessairement dans cet ordre, sont au cœur du travail du directeur de la photographie. La technologie numérique a déjà commencé à modifier ces conditions, notamment avec l’avènement des effets spéciaux générés par ordinateur et la possibilité de créer en post-production des mondes d’images qui ne sont pas basés sur la réalité. La représentation et, par conséquent, l’interprétation que le directeur de la photographie fait du monde réel à l’aide de la caméra et du processus photographique ont été dévalorisées au fil des ans. La technologie numérique a permis de se passer de ce que nous avons devant nous, et de la caméra elle-même, pour construire quelque chose qui n’existe pas dans la réalité et qui n’en a pas besoin pour sa subsistance.

Il semble que la prochaine étape soit l’intelligence artificielle, qui peut déjà créer des images hyperréalistes à partir de l’analyse de grandes quantités de données et de la manipulation de symboles. Contrairement à la photographie, l’IA génère des images basées sur des représentations de représentations, en puisant dans des milliers, voire des millions, d’images circulant sous forme de données dans l’espace virtuel. L’IA peut simuler des processus photographiques, mais elle est loin de la photographie, car il lui manque deux piliers fondamentaux de la photographie : la réalité extérieure, qui existe en dehors de nous en tant que matériau primordial, et le caractère aléatoire, la contingence et l’incertitude que cette réalité implique elle-même.

(...)

À partir de cette réalité, une question se pose : quel est le rapport entre l’IA et la cinématographie telle que nous l’avons comprise jusqu’à présent ? Le rôle du directeur de la photographie va-t-il changer pour devenir un créateur numérique qui illumine toutes les images générées par les ordinateurs ? Cela met-il fin ou, en tout cas, limite-t-il le travail sur le plateau ?

* Ce texte est basé sur quelques notes de la table ronde "Développements et implications de l’IA (intelligence artificielle) dans l’audiovisuel" qui a eu lieu lors de l’ABC Week 2024 à São Paulo.