La directrice de la photographie Diane Baratier, AFC, parle du travail de restauration de "Dragées au poivre", de Jacques Baratier

par Diane Baratier

Diane Baratier a reçu en héritage de son père le soin de s’occuper de ses films. C’est après plusieurs années de travail juridique et de récupération des négatifs qu’elle présente à Cannes Classics Dragées au poivre, le film le plus populaire de ce cinéaste, poète et artiste peintre qu’était Jacques Baratier. (FR)

Quel genre de film est-ce, Dragées au poivre  ?

Diane Baratier : C’est un film à sketches musical écrit par Guy Bedos. Sa mise en scène parodie la nouvelle vague, chaque sketch réalisé est une citation d’un film à succès reconnu comme L’Année dernière à Marienbad, de Resnais, A bout de souffle, de Godard, Chronique d’un été, de Rouch, le cinéma vérité, Pollet, Rohmer, il n’oublie personne et il se moque même de lui. Le casting est particulièrement prestigieux pour l’époque, puisqu’on peut voir apparaître dans le film Jean-Paul Belmondo, Francis Blanche, Simone Signoret, Monica Vitti, Jean-Pierre Marielle et bien sûr Guy Bedos, Sophie Daumier, Alexandra Stewart…

Comment vous y êtes-vous prise pour récupérer les droits et restaurer ce film ?

DB : Tout d’abord créer une association pour avoir un statut légal et réunir les différents ayants droit au sein de cette association. Quand on dit ayants droit, on entend les héritiers des droits d’auteur ou droits patrimoniaux (dans le cas de Jacques Baratier, ses cinq enfants et sa dernière femme), les droits de production et les droits de diffusion. Deux ans de démarches administratives pour parvenir à récupérer les droits de production de Dragées au poivre vendus par un liquidateur après une faillite de société. En tant que directrice de la photo je n’avais qu’une expérience limitée en matière de législation dans la production mais j’ai depuis beaucoup appris ! Puis il a fallu vérifier les éléments acquis par l’Association, c’est-à-dire pas grand chose « … la cessionnaire devient propriétaire de tous les éléments corporels et incorporels détenus par la liquidation judiciaire de la SA CIPA… »

En bon état ?

DB : En ce qui concerne les copies d’exploitation celles qui nous revenaient n’étaient pas en bon état. Nous avons retrouvé un vieil élément Umatic qui nous a permis de faire le coffret. Et avec l’aide du CNC nous sommes partis du négatif pour faire un scan 2K et restaurer l’image et le son. La totalité des coûts de restauration ont été pris en charge, ce qui est une aide précieuse pour des films comme ceux de mon père, indépendants et à l’esthétique conceptuelle.

Sur quel aspect de la restauration avez-vous rencontré des difficultés ?

DB : Bizarrement, c’est le son qui a posé le plus de problèmes. Il y a eu une telle évolution depuis les années 1960 en matière de diffusion sonore que les éléments optiques issus du mixage original du film sont désormais complètement impropres à une diffusion telle quelle dans une salle moderne. La bande passante des enceintes et du matériel de diffusion de l’époque étaient très médiocres et le mixage en tenait compte. Il a fallu entièrement retravailler le son en auditorium pour obtenir quelque chose de correct.
L’image du négatif 35 mm était plutôt bien conservée et nous n’avons pas eu de restauration lourde à effectuer. J’ai tenu à ce que les différentes fenêtres des caméras utilisées sur le film par Henri Decaë et son équipe soient conservées, à ne pas gommer tel ou tel petit défaut (poils caméras, et autres "accidents") qui font partie de l’œuvre au jour de sa première exploitation. Il y a juste deux plans dans une scène de danse, qui sont issus manifestement d’un contretype, où la qualité est assez pauvre. Mais comme c’est le seul élément disponible, on n’a pas pu faire autrement.

De quels éléments disposez-vous désormais ?

DB : Un DCP qui sera présenté à Cannes Classics puis au cinéma Les Fauvettes la première semaine de juin à Paris, et un internégatif de conservation, shooté à partir du scan 2K.

(Propos recueillis à Cannes par François Reumont pour l’AFC)