La fin du UK Film Council provoque un tollé dans le cinéma britannique

par Marc Roche

La Lettre AFC n°201

Le Monde, 5 août 2010

L’organisme a financé plus de 900 films en dix ans, dont plusieurs superproductions. Le nouveau ministre britannique de la culture, Jeremy Hunt, est un sabreur de coûts zélé. Dans le cadre de la politique d’austérité du gouvernement conservateur/libéral-démocrate et dans un souci de rupture avec l’héritage travailliste, ce défenseur de l’orthodoxie financière a décidé la suppression du UK Film Council (UKFC), le conseil du film britannique, principale organisation de distribution des subventions publiques au septième art.

« Une décision déplorable, qui concerne un élément vital de toute vie culturelle » : à l’instar du comédien Liam Neeson (Love Actually), le monde cinématographique britannique a dénoncé cette décision brutale, annoncée lundi 26 juillet, prise sans consultation. La pétition organisée pour sauver le UKFC a recueilli plus de 30 000 signatures, dont les plus grands noms de la profession.
Distribuer les aides publiques et les subsides de la loterie nationale au cinéma : telle était la tâche du UKFC, fondé en 2000 par l’ancien premier ministre Tony Blair, dans le cadre de sa politique de développement de l’économie de la création (" Cool Britannia "). Avec de faibles effectifs et un budget de fonctionnement annuel de 15 millions de livres (18 millions d’euros), cet organisme a financé plus de 900 films en dix ans.

De grandes productions au succès planétaire (Joue-la comme Beckham, 2002, The Last King of Scotland, 2007, ou Slumdog Millionaire, 2009), des films d’art et d’essai, des clips ou des spots publicitaires : cette institution a été l’un des promoteurs d’un nouvel âge d’or du cinéma britannique.
Par ailleurs, le conseil a promu l’installation d’un nombre record en Europe de salles pourvues de technologie numérique. Son site de données statistiques fait référence. Pour ses défenseurs, l’agence a surtout œuvré à l’incroyable variété de talents créatifs et à la rupture du cycle infernal du cinéma anglais - la faiblesse économique due au sous-investissement chronique.
Mais le UKFC avait aussi ses détracteurs. Ces derniers montrent du doigt l’accent mis sur les superproductions commerciales exportables à l’étranger et sur les films de divertissement. D’autres critiquent le processus de décision bureaucratique d’une entité qui avait un droit de regard sur le montage final des films qu’elle finançait. Dans les milieux culturels proches du Parti conservateur, on souligne le manque de collaboration avec le secteur privé, en particulier la City, très attirée par les investissements dans le cinéma.

Le gouvernement n’a pas décidé qui reprendra les fonctions du UK Film Council. Organisation philanthropique destinée à promouvoir le cinéma, le British Film Institute n’est pas équipé pour réaliser cette mission de production. Le milieu cinématographique redoute aussi que, en l’absence du UKFC, les autorités ne détournent une partie des subventions données par la loterie nationale aux arts au profit du financement du volet culturel des Jeux olympiques de 2012.
Au Royaume-Uni, les temps sont durs pour les arts. La nouvelle équipe au pouvoir a supprimé le Conseil des musées, librairies et archives et s’est engagé à réduire de manière drastique le nombre de fonctionnaires du ministère de la culture, des médias et des sports mis en place par le gouvernement travailliste (1997-2010). Interrogé sur ces coupes claires, Jeremy Hunt s’est contenté d’un sec : « Les temps ont changé. »
(Marc Roche, Le Monde, 5 août 2010)

  • Lire à ce sujet, sur le site Internet d’Imago, la fédération européenne des directeurs de la photographie, le point de vue de Nigel Walters, BSC, son président.