La situation du régime des intermittents du spectacle « n’est pas soutenable »

La Lettre AFC n°218

Le Monde, 9 février 2012
Le régime d’assurance-chômage des artistes et des techniciens du spectacle est, une nouvelle fois, dans le collimateur de la Cour des comptes. La réforme de 2003 a beau avoir rendu plus restrictives les conditions d’accès aux annexes 8 (techniciens) et 10 (artistes) de l’Unedic, rien n’y fait, souligne la Cour : le nombre d’intermittents indemnisés au moins une fois dans l’année continue d’augmenter, et leur nombre est passé de 102 223 en 2007 à 106 619 en 2010.

Le déficit, quant à lui, s’établit à 1,031 milliard d’euros en 2010, un niveau stable depuis 2007. La situation « n’est pas soutenable » vu l’état actuel des finances publiques, souligne la Cour, qui pointe « la persistance d’une dérive massive ».
Si l’impact sur le déficit est limité, c’est parce que l’on observe un net recul du nombre d’heures travaillées déclarées : de 65,9 millions en 2007 à 59,5 millions en 2009. Cette baisse traduit une certaine paupérisation des intermittents.

Pratique de la " permittence "
Quant au fonds de solidarité de l’Etat destiné à aider les intermittents les plus fragiles, il ne concerne plus que 9 094 personnes, et n’engendre que de faibles dépenses (9,3 millions d’euros).
La Cour des comptes dénonce encore la pratique de la " permittence ", qui consiste à employer de façon permanente ou quasi-permanente un intermittent, chacun des protagonistes y ayant intérêt. Ce phénomène concernait 15 % au moins des bénéficiaires des annexes 8 et 10, notait déjà la Cour en 2007. Le rapport propose d’y remédier, en augmentant les cotisations sociales des employeurs en fonction du recours au travail intermittent.
Autre sujet délicat, faut-il traiter différemment les artistes et les techniciens, les premiers étant dans une situation sociale plus fragile que les seconds ? La Cour des comptes l’affirme, en creux. Les artistes doivent réaliser 507 heures en dix mois et demi pour bénéficier de l’assurance-chômage (pendant 243 jours), tandis que les techniciens doivent réaliser les 507 heures en dix mois seulement.

Serpent de mer
Il faut poursuivre dans cette différenciation, selon la Cour des comptes : il apparaît de plus en plus difficile de maintenir au profit des techniciens « des règles aussi éloignées que celles applicables, par exemple, aux travailleurs intérimaires », dit-elle.
La proposition de faire basculer les techniciens dans l’annexe 4 des intérimaires, aux conditions d’accès plus restrictives, est un serpent de mer. En réponse, dans le rapport, les ministères du travail et de la culture émettent des réserves. Seule Valérie Pécresse, chargée du budget, « partage » le constat de la Cour sur « l’alignement » du traitement des techniciens sur celui des intérimaires.
De même, elle se dit favorable à la hausse des cotisations pour lutter contre l’intermittence. Mais il n’est pas sûr qu’en période de campagne électorale, les candidats prennent le risque d’ouvrir un dossier si sensible.

(Clarisse Fabre, Le Monde, 9 février 2012)