Le Grand jeu

Je connais Nicolas depuis un petit moment puisque j’ai fait ses trois courts métrages. Cette quatrième collaboration s’ouvre sous de nouveaux auspices, ceux du premier long métrage avec des acteurs de renom, Melvil Poupaud, André Dussollier et Clémence Poésy. Il s’inscrit aussi dans cette veine qu’affectionne Nicolas : les dessous du pouvoir, les couloirs de la politique déjà traités dans La République (Prix Jean Vigo).

Comment faire en France une sorte de polar politique ? Nicolas adore le cinéma classique et pour la scène de poursuite finale, il me demande de voir le remake de M le Maudit par Joseph Losey : une poursuite est filmée en plans fixes de face, en laissant les personnages venir de la profondeur ! Ses autres références vont du Privé, d’Altman, aux films paranoïaques de Pakula jusqu’à un film méconnu de Zurlini avec Alain Delon, Le Professeur. En me disant à chaque fois que ce ne sont pas des références pour l’image mais simplement une culture commune qui pourra nourrir nos discussions sur le découpage puis pendant le tournage. Et ce Zurlini fut une bonne base pour trouver cette ambiance hivernale.

De nombreux décors, beaucoup de nuits et un tournage en hiver : je suis donc parti des contraintes. Puisque je ne peux pas éteindre certains sodium (raison de sécurité), il faut jouer avec : j’en ai donc rajouté parfois et éclairé entièrement deux scènes d’intérieur de nuit. Les nuits à la campagne devaient par contraste être franchement noires.
Ne pouvant tourner en 35 pour des raisons budgétaires, nous avons choisi, après essais comparatifs avec la RED, l’Arri Alexa qui m’a permis, même en ProRes de garder un peu de peau dans l’univers sodium. Réglée sur 800 ISO, je l’ai exposée à 400. Je voulais garder des noirs bien noirs mais avec un peu de matière quand même. Les Zeiss GO très peu filtrés ont été choisis pour leur côté froid, net sans être ciselé. Merci à Colas Jourdain à la lumière et Richard Deusy à l’étalonnage.

Nicolas a gardé un plan que j’aime beaucoup, un plan de 6 ou 7 minutes, un long travelling arrière de plus de 30 mètres (Jérémy Stone à la machinerie), sur Melvil et Clémence qui avancent dans la campagne nocturne en discutant. La séquence était couverte aussi en champ contre-champ mais Nicolas a préféré garder le plan séquence. Voilà pourquoi j’ai la chance de travailler avec Nicolas.

J’aurai aimé faire ce film en 35 mm, je préfère le redire car à maintes reprises, on me demande : « Ah bon ! Les chefs op’ préfèrent l’argentique ? » J’ai l’impression que c’est une évidence mais il semble que non. Le son a eu son Cantar, l’image l’attend encore. On me dit que je suis nostalgique. Je ne crois pas l’être plus que ceux qui bataillent pour trouver des optiques vintage en numérique. Je pense simplement que l’image dans l’univers numérique n’a pas encore trouvé l’outil qui mettra tout le monde d’accord, je l’attends.

PS Le Grand jeu a obtenu le Prix Louis-Delluc 2015 du premier film.

Portfolio

Équipe

Assistant caméra : Aurélien Py
Chef électricien : Colas Jourdain
Chef machiniste : Jérémy Stone

Technique

Matériel caméra, machinerie, lumière : TSF Caméra - TSF Grip - TSF Lumière
Laboratoire : M141
Etalonneur : Richard Deusy