Le Panache
Paru le Contre-Champ AFC n°360
Avec Jennifer, notre collaboration précédente a créé@ un climat de confiance et un plaisir de collaborer qui nous a permis d’envisager ce film de la manière dont nous l’avons fait.
Elle m’a donné la liberté et l’encouragement d’explorer une audace formelle que l’on retrouve rarement dans des projets destinés à un large public.
Une des problématiques fondamentales de ce tournage a été la gestion des nuits, mais c’est aussi cette problématique qui a défini, pour moi, la DA du film. En effet, tourner en vraie nuit n’était pas une option pour les séquences intérieures, au départ, nous avions imaginé de faire des sas, ce qui posait problème au vu des tailles de fenêtres mais aussi visuellement car cela réduisait beaucoup les possibilités de découvertes. Pendant les essais comédiens chez TSF, j’ai montré à Jennifer une proposition de nuit avec des gélatines sur les fenêtres, à la fois plusieurs couches de ND mais aussi une couleur, elle a été séduite par l’idée et la gélatine Deep Purple a été retenue comme fil conducteur de nos nuits.
Ce choix nous a permis de créer des "profondeurs" en simulant des lampadaires ou des lumières d’appartements dans les décors voisins. Pour ce faire, nous avons utilisé des sources puissantes (PAR, Luxed, Vortex, Superbeam 1.2 ) et toujours complètement axés vers la caméra car il y avait de base deux couches de ND 12 sur les fenêtres en plus de la couleur. Parfois, nous avons modifié la couleur de ces sources pour contrer l’effet du Deep Purple, et nous avons également beaucoup travaillé avec des réflexions pour donner l’illusion que les lumières provenaient de l’extérieur.
Renaud Fiddon, mon chef machiniste, a conçu des cadres en bois équipés de gélatines ND de différentes densités ajustés aux différentes fenêtres pour permettre une adaptation rapide en fonction des changements de lumière extérieure.
Un autre défi était une grande scène de nuit, estimée à huit heures de tournage, avec des enfants. Nous avons opté pour une "nuit américaine", et pour simuler les guirlandes lumineuses de la scène de "guinguette", j’ai fait fabriquer par Fred Vanart, mon chef électricien aidé de la déco, des guirlandes avec des ampoules de 500 W ce qui marquait suffisamment même en plein jour pour que l’on puisse, avec Richard Deuzy, le coloriste avec qui je collabore, les sélectionner et les booster afin d’obtenir le résultat souhaité.
J’ai utilisé des Luxled 12 pour figurer la lumière censée venir de l’intérieur. Avec Richard, nous avions fabriqué une LUT spéciale pour cette séquence mais je me suis en plus adjoint la collaboration d’un DIT, Olivier Patron, pour cette journée afin d’adapter la LUT aux modifications de lumière pendant la journée de sorte que Jennifer ne se pose pas la question du raccord au montage.
Evidement, la dynamique de l’Alexa 35 que j’utilisais pour la première fois a été d’une aide précieuse.
La dernière partie du film, tournée dans une salle de spectacle à Paris, posait un nouveau challenge : le décor étant à plus de 6 mètres de haut, sans balcon, il était impossible de conserver notre système de cadres ND pour gérer la lumière extérieure. Nous avons donc opté pour des gélatines polarisantes sur les fenêtres. Cette technique a bien fonctionné, bien que la polarisation varie selon l’angle de prise de vue (qu’on peut gérer avec un polarisant motorisé sur la caméra), de plus si le problème de la luminosité en découverte peut être gérer ainsi, ça ne change rien à la luminosité entrant sur le décor, en d’autre termes ça m’a permis de contrôler la lumière incisante mais pas la lumière réfléchie.
Néanmoins, nous avons ainsi pu tourner ces séquences en conservant la ligne colorimétrique des autres décors.
Cette première rencontre avec l’Alexa 35 a aussi été l’occasion pour moi de tester un sujet qui me tient tant à coeur, la texture, ici inhérente à la caméra. J’ai opté pour la texture "Nostalgic" que nous avons renforcée et égalisée après avec Filmbox, chez M141, le labo où nous avons fait l’étalonnage.
Un des éléments que je tenais à souligner dans ce film était le passage des saisons, évoquant le rythme d’une année scolaire qui commence en automne et se termine au printemps. Avec Jennifer, nous avions en tête cette image d’une salle de classe plongée dans le pénombre en hiver, avant que le professeur n’allume les néons. Les principaux décors, situés à Clermont-Ferrand, comprenaient le collège et l’appartement de Colin et nous n’allions tourner que durant le mois d’août dans cette région pour les séquences intérieures. Là aussi, nous avons utilisé nos cadres ND pour diminuer le niveau extérieur et donner plus de présence aux lumières intérieures. Parfois, j’ai coloré l’extérieur en Deep Blue pour simuler les moments de crépuscule, tandis que les sources lumineuses de l’école étaient teintées en Spring Yellow pour créer un contraste prononcé, similaire à celui utilisé pour les scènes nocturnes.
Pour ce projet, Jennifer et moi avons opté pour un format 2.39, plus posé que celui de son film précédent, tourné en 1.85 majoritairement à l’épaule. Cependant, il était crucial de garder à l’esprit que les personnages principaux étaient des adolescents, dont certains sans grande expérience. De plus, l’un des personnages, Colin, bégaye, et son interprète partageait cette particularité. Nous devions donc adapter le tournage à sa performance et privilégier l’émotion. C’est pourquoi j’ai opté pour un Gimbal Stab One Mark 2 sur une Peewee IV et commande manivelle HF, on a pu ainsi s’adapter au mieux aux différentes situations du film tout en cherchant toujours à emmener chaque plan le plus loin possible dans la narration.
J’ai utilisé une Alexa 35, comme dit précédemment, en "open gate" avec une série anamorphique Atlas Orion qui m’a apporté la douceur et le rendu que je voulais. J’ai régulièrement filtré avec une série Black Diff FX mais aussi avec une série Schneider Digicon. Côté lumière, j’ai utilisé des Molebeam 5 kW et un Maxi Brute 16 lampes pour les entrées de soleil dans la classe, des Luxed 12 et 4, Vortex 4 et Air frame 1 et 2 ainsi que les produits Astera avec Caligri.
Bande-annonce officielle
Équipe
Cadreuse caméra B : Mathilde CathelinPremière assistante opératrice : Judith Tribault
Deuxième assistant opérateur : Gaspard Soboul
Technicien retour image : Titouan Penthier
DIT : Olivier Patron
Coloriste : Richard Deusy
Chef électricien : Frédérick Vanard
Chef machiniste : Renaud Fidon
Technique
Matériel caméra : TSF Caméra (Arri Alexa 35 Open Gate et série Orion anamorphique format 2,39)Matériels lumière et machinerie : TSF Lumière et TSF Grip
Labo : M141