Le Trésor du Petit Nicolas
Paru le Contre-Champ AFC n°324
Début 2020, j’ai choisi d’accompagner Julien Rappeneau pour tourner une nouvelle adaptation du Petit Nicolas. Dans un contexte très différent, j’avais tourné, vingt ans auparavant, le poétique Ali Zaoua, de Nabil Ayouch, qui mettait en scène de vrais enfants des rues de Casablanca.
L’enjeu de ce nouveau projet et sa difficulté étaient de tourner les scènes de groupe en gardant le plus de naturel et éviter, autant que possible, de contraindre les positions des jeunes comédiens. Outre le travail de découpage qu’il fallait simplifier pour ne pas les épuiser, j’ai opté pour l’usage d’un Jib arm (Aerocrane) afin d’ajuster rapidement la position de la caméra en fonction de leurs places et déplacements aléatoires. Une caméra à la main très mobile aurait été envisageable, mais pas vraiment adaptée pour ce genre de film.
Nous avons parfois utilisé une deuxième caméra lorsqu’elle ne compliquait pas le positionnement des enfants, ou n’empêchait pas la caméra principale de trouver la juste place.
Les enfants étant souvent cadrés en groupe, le ratio 2.40 s’est imposé naturellement. Après essais comparatifs sphérique / anamorphique, nous avons choisi la série Cooke S6 Anamorphic pour ses distorsions et ses pertes de point dans le haut et le bas de l’image en dessous de T 2,8 ½ . La caméra RED Monstro m’autorisait à choisir le cercle de couverture qui convenait afin d’aller chercher ou, au contraire, d’éviter les défauts (de 8K à 5,5K - 6:5 Anam.).
Nous avions aussi besoin d’un zoom et nous avons choisi l’Angénieux Optimo 24-290 mm. Après essai comparatif entre le zoom équipé avec et sans bloc arrière anamorphique, nous avons opté pour la version sphérique qui nous permettait de garder une ouverture de 2.8. La caméra passe en deux clics du format anamorphique au format S35 sphérique.
Pour ce film, nous avons travaillé au laboratoire Silverway, avec Fabien Pascal à l’étalonnage sur Lustre. Ne connaissant pas encore cette structure, j’ai tourné des essais comparatifs Alexa LF 4,5K, Sony Venice 6K et RED Monstro 8K. J’avais déjà comparé ces caméras pour le film 5ème Set avec Gilles Granier au Labo sur Baselight et le résultat de ces nouveaux essais s’est révélé identique, faisant apparaître les mêmes particularités (relire l’article sur 5ème set). Je suis donc resté sur le choix de la RED Monstro, tant pour l’image qu’elle produit que pour la facilité de choisir la taille du capteur, sans se soucier de problème de la résolution 4K exigée en post-production.
Pour l’étalonnage, nous avons cherché une image assez contrastée avec des couleurs très fidèles, cohérentes, et une texture légèrement granuleuse, comme peut l’offrir une image 35 mm photochimique. A partir des images de la RED, prise à 1 280 ISO avec un workflow bien choisi, Fabien a produit un look léger qui rappelle le charme des images des années 60, prolongement du travail soigné des décors, des costumes, du maquillage et des coiffures.
Le décor intérieur maison Nicolas a été tourné en studio avec des découvertes rétro-éclairées qui ne nécessitent pas d’éclairage de face. Avec les plafonds toilés et très légèrement éclairés à travers, on garde la maîtrise du contraste dans le décor. Cela permet de tourner rapidement et de tourner à 180° dans le décor.
Outre les interventions VFX classiques, tels que l’effacement d’éléments non contemporains des années 60 et quelques incrustes, deux séquences d’éclipse totale apparaissent dans le film. J’avais eu la chance de filmer l’éclipse du 11 août 1999. Nous avons recréé de la façon la plus réaliste le phénomène : le cône d’ombre de la lune plonge le décor dans une nuit qui permet de voir les étoiles, mais il est bordé au loin d’une couronne de lumière du jour. Les personnages sont éclairés par la lumière d’un soleil ardent et c’est à l’étalonnage que nous les avons progressivement plongés dans la pénombre. Dans l’obscurité, au clair de lune par exemple, l’œil perd la faculté de discerner les couleurs. C’est ce que nous avons aussi reproduit à l’étalonnage et qui rend cette ambiance si réaliste.
Bonde-annonce officielle
Équipe
Steadicam & seconde caméra : Loïc AndrieuxPremier assistant opérateur : Matthieu Normand
Chef électricien : Cafer Ilhan
Chef machiniste : Dominique Lomet
Etalonnage : Silverway - Fabien Pascal
Technique
Matériel caméra : TSF Caméra (RED Ranger Monstro et Weapon Monstro. 8K 6:5 anamorphique et 5,5K 2:1 sphérique | Optiques : série anamorphique Cooke S6 S35 T2.3 et Zoom Angénieux Optimo 24-290 mm T2.8 S35)VFX : Mikros – Arnaud Fouquet
Technocrane 50’ : Olivier Leblanc
Drone : Skydrone – Marc Didier