Le cinéma français au bord de l’implosion

par Nicole Vulser

La Lettre AFC n°111

« Les incertitudes sont parfaitement repérées et tiennent essentiellement à une baisse attendue du financement des télévisions », souligne Dominique Wallon, PDG de l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC). On arrive à la fin d’un système qui a bien fonctionné.
Pascal Rogard, délégué général de l’ARP redoute qu’avec l’explosion du prix des droits de retransmission d’événements sportifs « le cinéma ne serve à enrichir les footballeurs ». Ces facteurs, auxquels s’ajoutent les incertitudes qui pèsent sur Canal+, notamment la dégringolade en Bourse de Vivendi Universal, obligent malgré elle la profession à s’interroger sur la mise en place de moyens de financements alternatifs ou supplémentaires. Le CNC a mis en place un groupe de travail, qui, à la lumière des pratiques européennes, rendra ses premières propositions, fin juin.

Principal bailleur de fonds du cinéma français, Canal+ est en position très difficile. Jean-Marie Messier, PDG de Vivendi Universal, ne faisait pas mystère de son intention de réduire les obligations qui lient contractuellement la chaîne et les professionnels du cinéma jusqu’en 2004. Pour lui, Canal+ est désormais en situation de concurrence, face à TPS, au DVD ou aux cartes d’abonnement illimité en salles.
La concurrence entre Canal+ et TPS a abouti à une concentration des investissements dans les films à gros budget et de nombreux projets, de budget moyen, n’arrivent plus à se faire.

Cette évolution du financement contribue à fragiliser la production indépendante. Trop souvent, un film couvre les frais généraux de sa production, mais ne dégage pas suffisamment de marge pour entamer le développement d’un autre long métrage - seul moyen de retrouver de la trésorerie. Cercle vicieux, selon M. Wallon, les petits producteurs sont obligés de prévendre davantage et ne gardent plus assez d’actifs.
« Au moindre accident, les faiblesses se révèlent », dit M. Wallon. Une fragilité renforcée par le fait que seule une poignée d’entreprises françaises, comme Gaumont, Pathé, UGC, voire Europa, Téléma ou MK2, souvent adossées à des grands groupes, bénéficie d’une réelle stature internationale.
(Nicole Vulser, Le Monde, 17 mai 2002)