Le directeur de la photographie Frankie DeMarco parle de son travail sur "How to Talk to Girls at Parties", de John Cameron Mitchell

Par Madelyn Most pour l’AFC

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Frankie DeMarco vit à New York. Il a débuté sa carrière sur des publicités, des documentaires et des films indépendants, et a gravi les échelons professionnels pour devenir directeur de la photographie sur des documentaires, des longs métrages, des publicités et pour la télévision. Il a été nommé trois fois aux "Film Independant Spirit Awards". How to Talk to Girls at Parties est son quatrième film avec le réalisateur John Cameron Mitchell.

En 1977, sous Thatcher, les Sex Pistols signent avec A&M après que CBS les ait refusés, et le Royaume-Uni décline. Un jeune punk et une "alien" se rencontrent, dans le quartier glauque de Croydon, au sud de Londres.

How to Talk to Girls at Parties est une comédie visuelle musicale "dramatico-romantico punk" qui s’ouvre sur une séquence de danse "alien" sous trip.

Le récit principal réunit un jeune punk (Alex Sharpe) et une jeune "alien-qui-aspire-à-devenir-punk" (Elle Fanning), qui souhaite quitter son groupe conformiste et rejoindre Henri dans un groupe de rock punk dirigé par Bodacea, la Reine des Punks (Nicole Kidman comme vous ne l’avez jamais vue !). Les choses finissent par tourner au vinaigre entre les punks et les "autres", dont Matt Lucas et Ruth Wilson, mais un surprenant retour de situation emmène l’histoire vers une conclusion romantique douce-amère, et le spectateur vers les années 1990.

« C’est le troisième film que j’ai photographié qui est projeté à Cannes. » Les autres films que Frankie DeMarco a éclairés et qui ont été sélectionnés à Cannes sont Shortbus, de John Cameron Mitchell, en 2006, et All is Lost, de J. C. Chandor, en 2013.
Frankie DeMarco est particulièrement connu pour son travail sur la comédie dramatique et musicale iconique Hedwig and the Angry Inch, de John Cameron Mitchell (2001), qui a valu à son réalisateur les prix du Meilleur réalisateur et du Public à Sundance.

« Pour How to Talk to Girls at Parties, J. C. Mitchell et moi avons revu Performance, avec Mick Jagger, qui a été une sorte de référence. Johnny est l’une des personnes des plus talentueuses que je connaisse. Je suis reconnaissant et ravi chaque fois qu’il m’appelle pour tourner un de ses films », dit Frankie DeMarco.
C’est maintenant un directeur de la photo hautement respecté, qui a également éclairé un autre favori de Sundance, Margin Call, en 2011, au débuts de J. C. Chandor comme réalisateur.

Frankie DeMarco on the set
Frankie DeMarco on the set

« Je n’ai pas suivi de formation formelle », déclare Frankie DeMarco. « Pour acquérir de l’expérience, j’ai travaillé sur des films à petit budget, des documentaires et des publicités, comme assistant opérateur, machiniste ou électricien. J’ai beaucoup appris de mes magnifiques mentors et des collègues. Pour moi, il est important de comprendre et d’apprécier le travail acharné des membres de votre équipe.
J’encourage les membres de mon équipe à partager leurs idées avec moi, j’aime quand ils sont enthousiasmés par le travail et se sentent investis dans l’image avec créativité. Sur les films de plus gros budget, les techniciens ne sont souvent qu’une petite pièce dans une grosse machine. »

Le réalisateur et scénariste John Cameron Mitchell est "acteur-écrivain-réalisateur-chanteur-interprète-producteur", et a commencé à gagner des prix quand il avait à peine plus de vingt ans. Après avoir participé à la production musicale Off-Broadway de Hedwig and the Angry Inch, à la fin des années 1990, J. C. Mitchell l’a adapté à l’écran avec F. DeMarco, joué et dirigé, et a rencontré le succès à Sundance en 2001.

« John est extrêmement sensible, étrange, émouvant, généreux et empathique : c’est un génie à l"esprit brillant et avec une intelligence hors-pairs, un narrateur né », ajoute DeMarco. « Ils créent un environnement sain et joyeux sur le plateau, ils sont comme une famille, c’est un plaisir de travailler avec eux », explique Howard Gertler, producteur et partenaire de See-Saw films [1].

Pour How to Talk to Girls at Parties, J. C. Mitchell et F. DeMarco étaient totalement déterminés à tourner en pellicule Super 16. Mais le film était très ambitieux pour un budget relativement faible et un plan de travail de 25 jours qui comprenait des décors à Sheffield, à Londres et à Croydon, et beaucoup d’effets spéciaux, des incrustations et des séquences animées numériquement. « Tout le monde s’est mis à nous aider, le producteur Howard Gertler, Arri, Anne Hubble chez Kodak, et beaucoup d’autres, mais quand les chiffres du budget sont tombés à la fin de la préparation, nous n’avions aucune autre option que de passer au numérique », dit F. DeMarco.

Que ce soit en pellicule ou en numérique, Frankie voulait travailler avec les caméras Arri et Arri Media à Londres, dont Simon Surtees était le responsable. En raison du changement de dernière minute vers le numérique, ce qui était à l’origine une déception est devenu une magnifique opportunité créative pour F. DeMarco et J. C. Mitchell.

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On the punk club set
From left to right: Fran Weston, Gareth Hughes, Jamie Harcourt, Frankie DeMarco

« Nous avons choisi les caméras Arri Amira et, à partir de certains tests que j’avais faits quelques mois avant chez Abel Cine Tech à New York. J’ai découvert que nous pouvions tourner en Super 35 et en Super 16 sur son capteur. John Cameron Mitchell avait toujours souhaité donner une vision d’un Sud de Londres grincheux, grunge et réaliste, et le film Super 16 aurait donné cela, mais la beauté de tourner avec l’Amira est qu’elle m’a permis de tourner le monde des autres en un Super 35 numérique brillant et propre, et le monde punk en un Super 16 numérique sale et granuleux. De cette façon, le monde punk et le monde des autres ont chacun leur propre aspect et texture distincts.

« Arri Media a été fantastique. Ils écoutent vraiment leurs clients et aident les cinéastes à réaliser ce qu’ils veulent. Neil Fanthom a aidé les techniciens à Munich pour modifier la caméra Amira et permettre la capture Super 16 sur la puce Super 35. Ils nous ont livré un prototype de caméra Amira de Munich pendant le tournage, et maintenant cette fonctionnalité est présente sur toutes les caméras Amira ! Cette modification a introduit une façon entièrement nouvelle de filmer. »

Frankie DeMarco a photographié des tests avec des caméras et des objectifs différents chez Arri Media avant d’arrêter ses choix sur la façon de capturer l’esthétique exacte du film que lui et J. C. Mitchell recherchaient. « Les optiques Cooke Speed Panchro, chaudes et douces, étaient très différentes des Zeiss Super Speed Series 3 à l’aspect froid, dur et net, mais ce n’est plus un problème, car nous pouvons les raccorder à l’étalonnage. Les zooms Canon Super 16 nous ont permis d’obtenir de magnifiques plans larges des extérieurs de Croydon et des intérieurs du club punk.

« John est un réalisateur du détail et un formidable planificateur. Nous avons dessiné des story-boards de toutes les scènes difficiles, et il y en a eu beaucoup ! Il est toujours bon d’avoir un projet ou une esquisse, car vous pouvez vous en éloigner et tout jeter et tout changer au dernier moment... Et c’est à ce moment-là que les moments créatifs incroyables et inattendus apparaissent. »

Frankie DeMarco explique : « Je tourne en numérique exactement de la même façon que je tourne en pellicule. Je ne suis pas le gars qui se cache dans une tente DIT dans l’obscurité du Video Village. Je suis sur le plateau avec le réalisateur et les acteurs, j’écoute et je réfléchis. Pour moi, il s’agit de l’histoire, du récit et de l’émotion. Je me concentre sur mon travail avec le réalisateur et les acteurs. Je me détache de toutes les questions techniques et laisse cela à mon équipe.
« Je ne fais pas grand’chose avec le DIT d’autre que de veiller à ce que tous les moniteurs soient aux normes et parfaitement raccords. Je ne fais pas de LUTs, je tourne une charte de gris pour chaque scène. Mes LUTs sont fabriquées par mon équipe pour les objectifs et ensuite améliorées à l’étalonnage de l’Intermédiaire numérique.

« L’intermédiaire numérique a été une expérience merveilleuse, c’est ma partie préférée du processus. C’est un monde calme où l’expérimentation peut avoir lieu, à l’écart de l’effervescence folle du plateau. John Cameron Mitchell, les producteurs et moi sommes ravis de l’esthétique finale de notre film. Le coloriste, Joe Joe Gawler, à Londres a été formidable ! Il nous a donné du temps et de beaucoup de considération pendant nos semaines d’étalonnage et son travail de DI est de classe mondiale.

« J’ai eu une équipe britannique excellente, avec qui j’avais travaillé sur des publicités haut de gamme à Londres, et nous avons travaillé très efficacement et confortablement ensemble. David Tyler était mon "gaffer" et partenaire d’éclairage. Mon chef machiniste était Antony Ward. Fran Weston et Sarah Rollason étaient mes assistantes opérateurs, Jamie Harcourt et Gareth Hughes - qui a aussi assuré le Steadicam - sont d’excellents cadreurs. Mon DIT était Harry Bennett-Snewin. Helen Scott était une merveilleuse chef décoratrice. La garde-robe exceptionnelle des "autres" a été conçue par Sandy Powell, chef costumière britannique primée (BAFTA et Oscar) et Johnny en a plaisanté : « Elle a plus de stature que moi ! »

How to Talk to Girls at Parties est le premier film à être photographié avec une caméra numérique capable de tourner sur les deux formats sur le même capteur. Un moment historique dans l’évolution de la technologie des caméras.

(Propos recueillis par Madelyn Most pour l’AFC - Traduction de l’anglais par Laurent Andrieux)

[1Le film a été co-écrit par Neil Gaiman, et est presque un récit autobiographique de ses années de punk adolescent en 1997 à Croydon