Le directeur de la photographie Pascal Marti, AFC, parle de son travail sur "Jeune & jolie", de François Ozon

par Pascal Marti

Pascal Marti, AFC exerce le métier de chef opérateur depuis le milieu des années 1980. On lui doit beaucoup de longs métrages aux styles très différents (avec des réalisateurs tels Cedric Kahn, André Téchiné, Jean-François Stévenin…). Il a signé également de nombreuses campagnes publicitaires (aux côtés, entre autres, de Jean-Paul Goude ou Thierry Poiraud). Il signe aujourd’hui les images de Jeune & jolie qui marque le retour de François Ozon dans la course à la Palme d’or. (F. R.)

Quelles étaient les directions données par François Ozon ?

Pascal Marti : L’indication tient vraiment dans le titre. Il fallait faire une image " jeune et jolie " ! Respecter la beauté de la jeune fille, notamment, faire attention aux carnations...
Principalement à cause de cette demande, on a choisi de tourner en 35 mm Kodak 500 et 200 ISO. Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, je continue à croire que c’est souvent plus léger, pour la plupart des films, de tourner en 35 mm qu’en numérique. Le film a une telle latitude qu’on ré-éclaire moins. Les caméras sont simples, pas besoin de " village vidéo "... A partir du moment où le réalisateur sait tourner en film, et qu’il accepte le principe d’exploiter un métrage somme toute limité, je pense que c’est un choix tout à fait cohérent.

Avez-vous pensé à certains de ses films précédents ?

PM : J’ai abordé le film sans aucun " passif ", c’est-à-dire sans ne jamais penser aux styles visuels de ses autres films. C’est quelque chose que j’aime bien aussi que les cinéastes qui m’engagent fassent en retour. Chaque film est pour moi un projet, une rencontre avant tout sur un thème, une histoire.

Comment s’effectue le travail sur le plateau ?

PM : La particularité principale, c’est que François Ozon cadre ses films et aime tourner au zoom. Tout est quasiment tourné avec un 17-102 mm Angénieux, à l’exception de quelques plans en très basse lumière où j’ai dû avoir recours à des focales fixes. Il faut donc toujours savoir être prêt en toutes occasions à la lumière..., éclairer plus que ce qui est prévu, car il ajuste très souvent la focale en resserrant ou élargissant légèrement. J’utilise donc un maximum de sources intégrées au décor..., des lumières simples qu’on peut facilement régler. Autrement, ce sont des Kino Flo, ou des rampes de floods.

Ses demandes en termes d’image sont précises ?

PM : C’est quelqu’un de très précis, mais il faut savoir être à son écoute ! Sa manière de communiquer n’est pas toujours conventionnelle, et c’est plus par le feeling qu’on voit si ça fonctionne. Comme il tourne avec une équipe assez fidèle, on constate très vite que peu de mots sont échangés sur le plateau, et que tout le monde, de la costumière à l’ingé son, l’entoure et le comprend.

Une scène, une ambiance pour donner une idée du film ?

PM : La chambre d’hôtel qui a été reconstituée en studio. C’était l’un des lieux les plus importants du film. François Ozon lui a donné un côté très théâtral, à travers la mise en scène. La découverte sur l’extérieur est volontairement filtrée par un voilage, de manière à ce qu’on ne la voie pas clairement.
Le couloir joue comme un plan récurrent, une sorte de sas, entre les deux faces du personnage. Celle de la réalité de cette toute jeune femme, et de ce qu’elle pratique dans la chambre.
On a beaucoup travaillé à la dolly sur plancher, avec des décors construits pour rouler sans rails, ou sur plaques quand c’était nécessaire, avec le travail d’expert d’Antonin Gendre, le chef machiniste.

(Propos recueillis par François Reumont pour l’AFC)

Post scriptum
Nous avons eu le malheur, pendant le tournage, de perdre l’assistant opérateur Benoît Rizzoti, décédé d’une longue maladie comme on dit pudiquement... Le tournage a bien sûr été très éprouvé par ce deuil... Il était l’assistant opérateur qui avait fait tous les tournages de Francois Ozon.
Je tiens à lui rendre un hommage particulier… Je l’aimais beaucoup. (Pascal Marti)