Le patrimoine français sous-représenté

par Samuel Blumenfeld

La Lettre AFC n°116

Le patrimoine français - les films produits avant 1980 - est le domaine de cinq éditeurs : StudioCanal (La Grande illusion de Jean Renoir, Quai des Brumes de Marcel Carné et Casque d’or de Jacques Becker) ; Gaumont (Fantômas) Louis Feuillade, L’Atalante de Jean Vigo, Les Tontons flingueurs de Georges Lautner) ; MK2 Editions (les films de François Truffaut, Hôtel du Nord de Marcel Carné et Remorques de Jean Grémillon) ; Arte Vidéo (Jacques Rivette, Jean-François Stévenin) ; et enfin Opening distribution, (les Chabrol des années 1960 et 1970, A bout de souffle, Le Mépris et Pierrot le fou de Jean-Luc Godard).

La sous-exploitation des catalogues tient pour une part aux exigences du DVD. Une qualité de copie acceptable en VHS ne l’est plus en DVD.
S’il ne suffit pas à expliquer la frilosité de StudioCanal et de Gaumont, qui n’éditent qu’une dizaine de titres par an, le coût d’une restauration joue un rôle déterminant.
Jusqu’à la constitution récente des grands catalogues de films français, les copies de ces derniers étaient conservées dans les laboratoires. Les grands opérateurs ont récupéré certaines copies dans un état déplorable.
« Nous avons dépensé plus de 300 000 euros pour la restauration de La Grande illusion, estime Jérôme Chung, directeur de StudioCanal vidéo. C’est une somme que l’on ne peut pas amortir sur le court terme, même si cette restauration permet aussi une vente télé. »
Dans leurs choix de titres, les grands éditeurs français sont guidés par le succès des films à la télévision.

D’autres (MK2 Editions, Arte vidéo) travaillent à plus long terme. Le caractère artisanal qui convient à l’édition des films de patrimoine est difficilement compatible avec les impératifs commerciaux de Gaumont ou StudioCanal.
(Samuel Blumenfeld, Le Monde, 23 novembre 2002)