Leitz, l’aventure continue

Par Ariane Damain Vergallo, pour Leitz Cine Wetzlar
Et un, et deux, et trois Leitz. Ernst Leitz, le grand-père, Ernst Leitz, le père, et Ernst Leitz, le fils, ont participé à l’une des plus grandes aventures industrielles et photographiques du vingtième siècle. Dans les années 1910, l’entreprise Leitz, située à Wetzlar en Allemagne, a une réputation mondiale pour la qualité de ses microscopes et de ses lentilles.

Ernst Leitz, son fondateur, voit arriver la guerre avec inquiétude. Les ventes de microscopes diminuent et l’entreprise est en difficulté.
Oskar Barnack, l’ingénieur en chef en mécanique de précision, est un passionné de photographie qui, par malheur, est asthmatique. La photographie a alors presque soixante-quinze ans et pourtant les appareils photo sont restés, comme à ses débuts, lourds et encombrants au point qu’on ne peut les porter à la main et qu’ils doivent être vissés sur un pied tout aussi volumineux. Avant d’être photographe, il faut être robuste, et le médecin d’Oscar Barnack, craignant pour sa santé, lui en interdit formellement la pratique.

Pour contourner l’interdiction, Oskar Barnack a alors une idée dont il ne se doute absolument pas qu’elle va révolutionner la pratique de la photographie. Pour réduire la taille des appareils, il va s’ingénier à réduire la taille des négatifs.
Il "emprunte" aux Frères Lumière la pellicule 35 mm qui défile verticalement dans leurs caméras et a l’idée de la placer à l’horizontale dans les appareils photo. Il lance le format 24 mm x 36 mm, qui deviendra désormais le standard de la photographie.
Pour obtenir de grands tirages avec un petit négatif, il se sert d’un agrandisseur muni d’une optique délaissant le tirage par contact.
Le premier appareil photo Leica - la contraction de LEItz et de CAmera - voit le jour en 1913. Un appareil si incroyablement petit et léger qu’on peut le glisser dans sa poche.

Quelques années auparavant, les peintres aussi avaient déserté leurs ateliers et installé leurs chevalets en pleine nature pour peindre les miroitements de l’eau au soleil, les taches colorées des fleurs et les amoureux des guinguettes. L’impressionnisme était né.
À leur tour les photographes ont, en ce début de siècle, et malgré les guerres qui s’annoncent, une envie de légèreté, une envie de lumière et de liberté.
En guise de démonstration des formidables capacités de son appareil, Oskar Barnack part à New-York avec ce Leica 0 pour faire des photos que personne n’aurait jamais cru possible de voir un jour.

La suite de l’histoire tout le monde la connaît. L’essor du Leica de Leitz est fulgurant.
Leica devient indissociablement lié à l’histoire de la photographie, les évènements à venir se chargeant aussi d’en faire la promotion à travers des photos qui s’inscrivent à jamais dans notre mémoire collective, comme la photo de Robert Capa du républicain espagnol qui meurt devant nos yeux, la photo de Nick Ut de la petite fille vietnamienne brûlée au napalm qui court vers nous, et la photo d’Alberto Korda de Che Guevara, qui est la photo la plus tirée au monde.
Guerre et aussi amour. La photo de Marc Ribout de la femme à la marguerite devant des GI en armes au Vietnam, la photo d’Alfred Eisenstaedt du marin et de la fille en robe blanche qui s’embrassent à New-York en 1945 et la photo de Robert Doisneau des amoureux de l’Hôtel de Ville à Paris.

Le Leica devient un objet de désir. Tout amateur de la photographie rêve d’en posséder un et de suivre les traces des photographes d’exception qui l’utilisent.

Au changement de siècle, le numérique déboule et tout est bouleversé.
Personne ne peut imaginer qu’en 2004 Leica soit menacé de disparaître.
En 2005, Andreas Kaufmann rachète Leica, ressuscite la firme au rond rouge et l’arrime solidement au vingt-et-unième siècle numérique.
Andreas Kaufmann est un visionnaire. Il rapatrie la fabrication des appareils photo et des optiques à Wetzlar, le village d’origine de l’entreprise Leitz, fait construire le Leitz-Park qui est un bâtiment futuriste en forme d’objectif photo, et ouvre au public un musée Leica.
Se promener au musée Leica du Leitz-Park, c’est se promener dans son propre espace mental. Toutes les photos que l’on y voit appartiennent au panthéon de la photographie, comme si chaque amoureux de l’image, qu’il soit amateur ou artiste, cinéaste ou photographe, avait été éduqué personnellement par Leica.

Puis Andreas Kaufmann a l’idée d’appliquer au cinéma le savoir-faire optique de Leica et il crée CW-Sonderoptic en 2008. Il confie cette mission à Gerhard Baier. Les ingénieurs reprennent l’esprit des optiques photo Leica Summilux et Summicron pour créer leur équivalent pour le cinéma. D’emblée, le succès de ces optiques auprès des directeurs de la photographie est immédiat. Ils retrouvent la luminosité, la précision et le rendu doux des peaux qui sont la marque de fabrique de Leica.
Suivront en 2016 le lancement des optiques M0.8 issues de la photo et adaptées pour les caméras cinéma, et, en 2017, les optiques Thalia pour les caméras grand format.

En 2015, sept ans seulement après leur lancement, les optiques Summilux-C reçoivent un Oscar technique (Le SCI/Tech Award) et, au Festival de Cannes 2018, décrochent les plus hautes récompenses : la Palme d’or, la Palme d’or spéciale, la Caméra d’or et le prix SACD de la Quinzaine des réalisateurs ont tous été tournés avec des objectifs Leitz.

Car CW-Sonderoptic vient de retrouver son nom d’origine.
Il s’appelle désormais Leitz Cine Wetzlar.

L’aventure continue.

Les photos illustrant cet article ont été prises par Ariane Damain Vergallo au Leica Q.