Les chaînes de télévision françaises s’intéressent à leur empreinte écologique

Par Guillaume Fraissard

AFC newsletter n°204

Le Monde, 30 octobre 2010

Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, l’industrie audiovisuelle et cinématographique surveille déjà ses émissions de CO2.
L’industrie audiovisuelle française veut passer au vert. Réunies au sein d’Ecoprod, un collectif créé pour encourager les bonnes pratiques environnementales dans le cinéma et la télévision, TF1 et France Télévisions entendent réduire les nuisances de leurs activités envers la nature.

Tournages de fictions, émissions de plateaux, parc automobile... les chaînes affirment ne plus vouloir se contenter de relayer des messages écologiques par le biais des programmes diffusés, mais agir pour diminuer l’empreinte carbone de toute la filière de l’image.
Ecoprod a lancé sur son site Carbon’Clap, un calculateur d’émission de CO2 destiné aux productions de télévision et de cinéma. « Le tournage d’un film ou d’un téléfilm peut générer de 200 à plus de 2 000 tonnes de CO2 suivant les lieux ou les décors », explique Catherine Puiseux, coordinatrice RSE (responsabilité sociale et environnementale) chez TF1. « Carbon’Clap doit permettre aux productions de mesurer en amont l’impact de leur activité. »

Chez France Télévisions, qui promet de créer d’ici à quelques semaines un poste de responsable du développement durable, on juge l’enjeu important : « Les téléspectateurs sont devenus très sensibles à ces questions », explique Claude-Yves Robin, ancien directeur général délégué du groupe, actuel directeur général de France 2.
L’initiative Carbon’Clap fait suite à la mise en ligne sur le site ecoprod.com de " fiches pratiques " – lumière, maquillage, décors, logistique... – destinées aux différents corps de métier déployés sur un plateau de tournage. Utilisation de lampe à LED pour les éclairages, recyclage des décors, covoiturage des acteurs et des techniciens, usage de papier recyclé et de coton biologique pour les maquilleuses..., les suggestions ne manquent pas. « Plus tard, nous pourrions avoir la présence sur les tournages d’un spécialiste environnement qui soit capable de coordonner tous ces éléments », imagine Catherine Puiseux.

Dans une étude menée en 2009 sur l’impact écologique des tournages en Provence-Alpes-Côte d’Azur, Pôle Sud Image, le réseau de la profession dans la région, a recensé sur le terrain les principales sources de consommation d’énergie. « Le décalage des horaires entre les membres d’une équipe de tournage est le plus gros obstacle au covoiturage », constatent ainsi les auteurs de l’étude. Et de pointer également « une inflation du volume de matériel transporté par les équipes ».
Plusieurs professionnels, en particulier dans le cinéma, auraient toutefois souhaité être mieux concertés avant la mise en place de la " calculette carbone ", dont certains critères leur semblent éloignés des réalités du terrain. « Il ne faudrait pas que l’on nous impose de tourner en région parisienne ou de n’utiliser que le numérique sous prétexte que cela produit moins de carbone », estime Sylvie Balland, directrice de production et membre de l’ADP (Association des directeurs de production).

« Il ne s’agit pas d’inciter les réalisateurs à tourner un James Bond dans un placard, ni de rogner la création », tient à préciser Yann Marchet, directeur de la communication de la Commission du film d’Ile-de-France. « L’idée est de susciter une prise de conscience générale et de proposer des outils concrets. »
Dans ce domaine, la France est en retard par rapport aux Etats-Unis, où Hollywood affiche une conscience écologique plus marquée. La septième saison de la série 24 heures affiche un bilan carbone neutre grâce à une prise en compte des émissions de CO2 à chaque étape de sa fabrication et à l’achat de crédits carbone pour compenser une partie de ses propres rejets. Les producteurs du film Valentine’s Day, sorti au mois de février en France, ont mis en avant les voitures hybrides, les éclairages solaires et les matériaux recyclables utilisés durant le tournage.
En Grande-Bretagne, la BBC s’est quant à elle fixé des objectifs précis : d’ici à 2013, elle devra avoir réduit de 20 % sa consommation d’électricité, de 20 % ses émissions de gaz à effet de serre et de 25 % sa consommation d’eau.

Guillaume Fraissard, Le Monde, 30 octobre 2010