"Les cinéastes demandent des gages à l’Elysée avant les arbitrages budgétaires"

Par Alain Beuve-Méry

La Lettre AFC n°235

Le Monde, 12 septembre 2013
Mardi 10 septembre, François Hollande recevait avec sa ministre de la culture, Aurélie Filippetti, une délégation de cinéastes. Michel Hazanavicius, président de l’association des Auteurs, réalisateurs, producteurs (ARP), était accompagné des réalisateurs Costa-Gavras, Dante Desarthe, Cédric Klapisch et Eric Toledano.

Ce qui motivait cette visite au chef de l’Etat, c’est l’attente de plusieurs arbitrages financiers qui seront rendus publics par Jean-Marc Ayrault, lors de sa conférence budgétaire, le 25 septembre. La discussion entre le président de la République et les cinéastes a été jugée « ouverte » et « constructive ». En France, le cinéma a pour caractéristique d’être un symbole de la culture nationale, mais d’avoir peu de poids économique.

Ponctions moins lourdes
Le premier sujet de préoccupation des cinéastes concerne les sources de financement du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Comme l’an passé, l’Etat a prévu de mettre à contribution le CNC pour aider au redressement des finances publiques, mais la ponction serait moins lourde qu’en 2013.
De 150 millions d’euros, celle-ci passerait à 90 millions d’euros et, surtout, sur cette somme, environ 20 millions iraient à l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (Ifcic), et resterait donc dans le monde du cinéma. Le renforcement du rôle de l’Ifcic, qui garantit des prêts et des avances remboursables aux industries culturelles, fait partie des recommandations du rapport Lescure, remis en mai au chef de l’Etat.

Sur ce sujet, l’autre souci des cinéastes est de s’assurer que la ponction sur le CNC soit considérée comme « exceptionnelle » et surtout que l’Etat s’engage à ce qu’il n’y ait pas de plafonnement des taxes qui alimentent le budget du CNC, notamment celle sur la distribution des services de télévision. M. Hollande a assuré qu’avec la nomination de Frédérique Bredin à la tête de l’organisme en juillet, les relations entre l’Etat et le CNC allaient prendre un nouveau tour.

Deux autres dossiers fiscaux inquiètent les responsables du cinéma français. Jusqu’à présent, Canal+ bénéficie d’une TVA culturelle, qui est la contrepartie de ses obligations concernant le niveau de financement de la création française et européenne. Or l’augmentation de 7 % à 10 % du taux de TVA sur les services de télévision payante aurait un coût de 130 millions d’euros pour Canal+, qui peut difficilement répercuter cette hausse sur le tarif déjà élevé de ses abonnements. M. Hollande a entendu ces arguments, mais aucun arbitrage n’a pour l’instant été rendu sur ce dossier.
En revanche, pour les salles de cinéma, leurs exploitants devraient voir leur taux de TVA passer de 7 % à 5 %, ce qui constitue un alignement sur les salles de spectacle et un petit coup de pouce financier, alors que la fréquentation en salles a reculé de 10 % depuis le début de l’année.

(Alain Beuve-Méry, Le Monde, 12 septembre 2013)

Post Scriptum
Dans un entretien publié dans Le Monde du 14 septembre, Aurélie Filippetti répond à la question suivante que lui posent Florence Evin, Alexadre Piquard et Aureliano Tonet : " Les grands établissements et le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) vont-ils de nouveau être mis à contribution ? ".

« L’effort a été accompli, de manière responsable, par les grands établissements, et cela n’a pas perturbé leur mission ; nous ferons de même en 2014. Quant au CNC, le prélèvement sera de 90 millions d’euros, bien en deçà des coupes qui ont été réclamées, et seulement sur des réserves exceptionnelles. La capacité d’agir du CNC n’est pas affectée ; il est, et restera, le cœur du système de financement du cinéma français. Sur ces 90 millions, 20 millions seront réinvestis dans le secteur à travers l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (Ifcic). Ils permettront aux entreprises de lever des moyens supplémentaires avec un effet multiplicateur de cinq : ce qui fera 100 millions d’euros supplémentaires pour nos industries créatives. Enfin, la TVA sur les billets de cinéma, après celle du livre et du spectacle vivant, passera de 7 % à 5 % au 1er janvier. »