Les films " AFC " vus par leurs directeurs de la photographie
" Selon Charlie “ de Nicole Garcia, photographié par Stéphane FontaineC’est ma deuxième rencontre avec Nicole. J’avais travaillé sur Le Fils préféré en tant que premier assistant caméra (Eric Gautier à la photo). La préparation de Selon Charlie a duré assez longtemps, nous avons échangé sur l’aspect visuel du film surtout par le biais de photographies que Nicole appréciait pour leurs ambiances, elle avait une envie précise par rapport à la sensualité, au caractère vivant de l’image. Elle voulait une image charnelle, chaleureuse, pas pour la " couleur " chaude mais plutôt quelque chose de caressant, avec une certaine rudesse, voilà : une image à la fois rude et élégante... (Rires... Stéphane dit qu’il est bien difficile de trouver les mots justes pour parler d’image...)
Alors, partant de ces envies, comment as-tu abordé la lumière lors du tournage ?
Pour chaque personnage, j’ai essayé de construire un univers particulier, suivant son lieu d’habitation, son caractère ; ce qui représente pas mal d’univers différents puisqu’il y a sept personnages qui s’entrecroisent ! Ce ne sont pas des changements radicaux d’un personnage à l’autre, mais il y a des variations sur un même thème... Dès la fin de la première journée du récit, c’est tout de suite établi. Chaque ambiance raconte qui est qui, enfin j’espère, sinon c’est raté !!! Même si ça n’a pas été énoncé comme ça, il m’a paru évident qu’il fallait tenter de le faire ainsi. Les lieux sont très différenciés : ça va du HLM à la maison bourgeoise, au centre sportif, cela aide à créer un univers particulier pour chacun.
Concrètement, pour l’image « élégante et rude » ?
Nicole ne voulait pas d’une image " lisse ", alors j’ai essayé d’avoir un peu de grain, du contraste. La lumière est plutôt douce, mais les objectifs un peu durs, pas du tout diffusés. J’ai utilisé pour tout le film de la 5OO ISO (Kodak 5279/5218) car avec une pellicule moins sensible, je risquais d’avoir une image trop lisse. Je l’ai même un peu poussée parfois pour avoir plus de grain. Nous avons retravaillé l’image à l’étalonnage chez Eclair avec Isabelle Julien, l’étalonneuse. Ce fut un travail à trois, avec Nicole, et le plus difficile est de trouver un langage commun. On avance pas à pas, on affine au fur et à mesure, j’aime bien ce travail car c’est assez subtil. Au final, l’image a changé et tu ne t’en es presque pas aperçu ! Concrètement, on a travaillé sur l’interpositif et l’internégatif, du sans blanchiment partiel, juste assez pour ramener une texture particulière. Pour aller au-delà de l’image (bien) exposée et pouvoir dire (si possible !) que cette image-là est un peu différente, que ce film a son image qui ne ressemble qu’à lui... Enfin, idéalement !
Avez-vous tourné d’une façon particulière ?
A priori, Nicole n’aime pas les images tournées à l’épaule, mais elle me l’a demandé pour pas mal de scènes. C’était pour accompagner l’idée que beaucoup de personnages sont fragiles, au bord de la rupture, ils sont tous arrivés à un endroit où leur vie va changer au cours de ces trois jours. Tourner à l’épaule est une manière d’exprimer cette bascule d’un état à un autre, quelque chose d’assez inconfortable pour chacun...
Le film se passe dans un seul lieu, une station balnéaire ?
Oui, mais cet endroit n’existe pas ! À la lecture du scénario, c’est bluffant car on a vraiment l’impression qu’il existe tellement les détails sont là ! On a tourné dans trois lieus différents : Dinan, Dinard et sa région, Dieppe et la région parisienne. C’est vraiment très éclaté et c’est pourtant une seule ville. Cela n’a pas toujours été facile de raccorder ces lieux, notamment pour des problèmes de météo...
Est-ce que Nicole a été très accaparée par la direction de TOUS ces acteurs ?
Nicole est très concernée par tous les départements, elle est très exigeante, mais en même temps elle est dans une telle énergie, un tel enthousiasme qu’on est tous entraînés dans un mouvement. Elle a une manière incroyable de fédérer tout le monde autour de son projet, de ne jamais laisser les choses au repos. C’est vraiment très agréable et très stimulant de tourner avec elle.
(Propos recueillis par Brigitte Barbier)