"Les films à petit budget crient misère"

Par Clarisse Fabre et Miranda Morgand

AFC newsletter n°282

Le Monde, 3-4 décembre 2017
C’est un petit amendement dans le projet de loi de finances 2018, en discussion au Parlement, mais qui suscite un grand débat au sein du cinéma d’auteur français. Son objectif : permettre aux œuvres dites fragiles (premiers films, documentaires de création, etc.) d’être financées sur des fonds publics à hauteur de 70 %. Pour lui donner le plus large écho, des cinéastes, documentaristes, comédiens de renom se sont associés à la génération émergente dans une pétition titrée "Faisons le pari de la jeune création cinématographique !".

Cette lettre est signée par Agnès Jaoui, Jacques Audiard, Claire Denis, Catherine Corsini, Bertrand Bonello, Pascale Ferran, Cédric Klapisch, etc., aux côtés des « jeunes pousses » Alice Diop, Yann Gonzalez, Marie Amachoukeli, Guillaume Brac, Emilie Brisavoine, Anna Roussillon, Emmanuel Gras… Sans oublier les producteurs dont le métier est de trouver de l’argent : Marie Masmonteil, Pascal Caucheteux, Sylvie Pialat, Bertrand Gore, Cécile Vacheret, etc. La pétition est soutenue par des syndicats de producteurs (SPI, API), de distributeurs (DIRE, SDI), par la Société des réalisateurs de films, la SACD, etc.
Tous font ce constat paradoxal : le jeune cinéma français se voit régulièrement récompensé dans les plus grands festivals. Ces quatre dernières années, à Cannes, la Caméra d’or, qui récompense le meilleur premier film, a été attribuée à trois productions françaises : Party Girl, de Marie Amachoukeli, Samuel Theis et Claire Burger en 2014, Divines, de Houda Benyamina en 2016, et Jeune femme, de Léonor Serraille en 2017. Pourtant, ces films se font dans des conditions de plus en plus difficiles et se trouvent « grandement fragilisés, jusqu’au seuil de la précarité pour certains », s’inquiètent les signataires de la pétition.

Ils pointent du doigt la réglementation française, qui limite à 50 % le seuil d’aide publique à la production – sauf dérogation à 60 % pour les premiers et deuxièmes films, et pour ceux dont le budget est inférieur à 1,25 million d’euros. Ce dispositif est issu d’une règle européenne de 2013, mais chaque Etat membre peut l’adapter.

« Absurdité du système »
On considère qu’un film doit « rencontrer » son public et attirer des financements privés, comme ceux des chaînes de télévision, chacune pariant sur l’audience auprès des téléspectateurs… Ce soutien des chaînes fait de plus en plus défaut, notent les signataires de la pétition. « Année après année, les financements privés, principalement issus des chaînes de télévision, se sont raréfiés, se portant d’abord sur les auteurs déjà reconnus, les valeurs les plus sûres, les genres les plus porteurs. (…) L’absence d’une chaîne de télévision en préfinancement – ou la faiblesse des montants proposés – génère presque automatiquement une majorité de financements publics, plafonnés à 60 % pour les films à petit budget. L’absurdité du système pousse ces films à renoncer à certaines aides, notamment au crédit d’impôt », déplorent-ils. [...]

Clarisse Fabre et Miranda Morgand, Le Monde, dimanche 3 - lundi 4 décembre 2017

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  • Lire la dépêche "Faisons le pari de la jeune création cinématographique !", suivie de la liste des signataires, sur le site Internet de la SRF.