Les financiers du cinéma appellent à une démocratisation des Sofica

par Nicole Vulser

La Lettre AFC n°112

Ce mécanisme visant à mobiliser des capitaux privés dans le secteur peu rentable de la production cinématographique a été accompagné d’une importante incitation fiscale. La liste d’attente des candidats s’allonge, et seuls 2 500 gros contribuables français sont servis chaque année dans la mesure où Bercy fixe un plafond de collecte.
Les Sofica sont soumises à un cadre réglementaire strict, qui passe par l’agrément de la direction générale des impôts et la mise sous tutelle du CNC. Les Sofica doivent investir dans l’année 90% des fonds collectés et réserver 35% de ces sommes aux producteurs indépendants.

Après quinze ans de fonctionnement et plusieurs tentatives de réformes avortées, la mise à plat de ce système de financement devient plus que jamais d’actualité, au moment où Canal+, principal bailleur de fonds du septième art, traverse une période très difficile. De nouveaux produits financiers pourraient aussi voir le jour, sur le modèle de ce qui existe au Luxembourg. Dans l’Hexagone, des fonds communs de placements à risque spécifiquement dédiés au cinéma sont également à l’étude.
Au ministère de la culture, on attend les conclusions du groupe de travail du CNC sur l’évolution du financement du cinéma français. A Bercy, on estime qu’il est encore prématuré d’ouvrir ce dossier.
L’idée d’ouvrir ce système à un public plus large et plus impliqué dans le cinéma semble faire son chemin.
Banquiers et producteurs s’accordent à demander à Bercy de relever le plafond de la collecte, qui n’a pas bougé depuis des années. Une initiative également défendue par David Kessler, directeur général du CNC.

Les Sofica sont devenues un produit financier quasiment dépourvu de risques et la garantie de sortie est assurée par un adossement à des groupes audiovisuels, ce qui constitue une perversion du système. Ces produits, prioritairement destinés au soutien de la production indépendante, sont devenus un financement d’appoint à la disposition des diffuseurs, TF1, France Télévision, Canal+ (via Le Studio Canal), ou des groupes, comme Vivendi Universal ou Dupuis, qui peuvent assurer une contre-garantie des Sofica.
Les Sofica « ne sont plus adaptées à l’internationalisation et à la hausse des coûts de la production », souligne Nathalie Toulza, de la banque OBC (qui gère Soficanim et Valor 6), en défendant l’idée d’une régionalisation des Sofica.

Autre piste explorée, l’extension du champ d’intervention des Sofica, qui pourrait permettre de financer non plus seulement la production, mais également le développement des projets de films. En revanche, la création de Sofica destinées aux industries techniques risquerait d’être bloquée par la Commission de Bruxelles, sourcilleuse de n’aider que la création culturelle. L’hypothèse, assez séduisante, d’un élargissement du périmètre des Sofica à toutes les industries culturelles, de l’art contemporain au spectacle vivant, risque d’être difficile à mettre en œuvre. A moins d’une volonté politique très forte.
(Nicole Vulser, Le Monde, 6 juin 2002)