Les "quarante-cinq et quelques printemps" de Sylvette Baudrot

AFC newsletter n°299

Le quotidien Libération publie régulièrement sur sa dernière ou avant-dernière page le portrait d’une personnalité faisant de près ou de loin l’actualité, cinématographique parfois. C’est le cas du numéro daté du lundi 3 juin 2019, esquissant celui d’une dame qui inspire le respect, dû non seulement à son âge mais à son impressionnante filmographie, Sylvette Baudrot.

Du tournage du dernier film avec Stan Laurel et Oliver Hardy, Atoll K, de Léo Joannon et John Berry (1950), à celui du dernier film de Roman Polanski, J’accuse (début 2019), cela fait quelque soixante-neuf ans que Sylvette Baudrot exerce le métier de "scripte-girl", appellation qui remonte « à une époque où nul ne songeait à se demander pourquoi il n’y avait pas de "script-boy" ». Avec à son actif une filmographie tant nombreuse - approchant la centaine de longs métrages - que remarquable : La Main au collet, d’Alfred Hitchcock, Les Vickings, de Richard Fleischer, French Connection, de William Friedkin, Mon oncle et Les Vacances de monsieur Hulot, de Jacques Tati, Le père Noël est une ordure et Papy fait de la résistance, de Jean-Marie Poiré, dix-sept films d’Alain Resnais, quinze de Roman Polanski, six de Costa-Gavras, et l’on en passe...

Et Sylvette de narrer quelques-unes des anecdotes qui lui valurent la gratitude de ses metteurs en scène ou d’acteurs faisant l’affiche. Et d’être d’autre part plus terre-à-terre, disant avoir préféré consacrer les quelques moments de liberté que lui a laissé sa vie professionnelle à sa famille plutôt qu’aux mondanités du cinéma, tout en continuant aujourd’hui à aller voir presque chaque jour un film à la Cinémathèque ou une exposition.

Le portait dressé par Gilles Renault pour Libération se termine par une scrupuleuse précision - non dénuée d’un certain humour - de celle dont la base de l’activité est de tout consigner sur plusieurs cahiers, garde-fou contre une mémoire fléchissante. La sienne comme celle de Roman Polanski, par exemple, s’adressant à elle sur le tournage de J’accuse : « Mais, Sylvette ! Ça fait trente-cinq ans que vous me faites chier avec vos raccords ! » « Non, monsieur ! Quarante-cinq ans ! »

En vignette de cet article, Alain Resnais, Antoine Bonfanti et Sylvette Baudrot sur le tournage de Muriel ou le temps d’un retour, en 1962.