Les réalisateurs interrogent les candidats

par Clarisse Fabre

AFC newsletter n°164

Le Monde, 29 mars 2007

Piratage, rotation de plus en plus rapide des films, formatage croissant des créations financées par les chaînes de télévision... : la SRF (Société des réalisateurs de films) a organisé un débat, mardi 27 mars en soirée, au cinéma parisien Le Panthéon, pour attirer l’attention des candidats à l’élection présidentielle sur les difficultés du cinéma d’auteur.
Un questionnaire avait été adressé à cinq prétendants à l’Elysée : François Bayrou (UDF), Marie-George Buffet (gauche anti-libérale), Ségolène Royal (PS), Nicolas Sarkozy (UMP) et Dominique Voynet (Verts). Leurs réponses seront publiées dans les Cahiers du cinéma.

Dans la salle du Panthéon, l’atmosphère est parfois tendue. Alignés devant le public, les députés Dominique Paillé (UMP) et Patrick Bloche (PS), le responsable de la commission culture des Verts, Michel Poirier, l’ancien secrétaire d’Etat Michel Duffour (PCF) et Jean-Marie Cavada (UDF), ont tenté d’expliquer la position de leurs candidats. Non sans mal.

Des quotas sur Internet ?
Premier dossier sensible : les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) - tels Orange, Free, Cegetel - qui sont devenus des diffuseurs de films, doivent-ils être soumis aux mêmes contraintes que les chaînes de télévision en terme de production, de diffusion ? La mise à contribution des FAI au compte de soutien du cinéma est devenue un objet de consensus. De là à fixer des quotas de diffusion... C’est difficile à envisager, souligne Ségolène Royal dans sa réponse, du fait de la totale liberté de choix de l’internaute. « Cela nous paraît pourtant possible ! Sans réponse forte, on court à la catastrophe », s’agace un membre de la SRF. La contribution de Marie-George Buffet remporte un franc succès avec sa proposition de « plate-forme publique de téléchargement », laquelle permettrait de diffuser l’ensemble des oeuvres répertoriées.

Autre sujet : afin d’éviter que les grosses productions monopolisent les écrans, faut-il limiter le nombre de copies dans les salles de cinéma, ou par bassin de population ? Nicolas Sarkozy s’y refuse, « car, explique M. Paillé, limiter, ce serait censurer ». Sourires dans la salle. « Mais nous proposons que les contrats de distribution s’engagent sur une durée minimale d’exposition des œuvres », s’empresse-t-il d’ajouter.
Arrivé en retard, Jean-Marie Cavada intervient seulement sur les questions audiovisuelles. « Il faut garantir des financements pluriannuels aux chaînes de service public, comme en Allemagne », souligne le supporteur de François Bayrou, qui plaide pour une hausse de la redevance. Nicolas Sarkozy y est hostile, pour éviter d’« alourdir la pression fiscale ». Pour tirer vers le haut la création audiovisuelle, la SRF propose de créer une « aide sélective », une sorte d’avance sur recettes sur le modèle du cinéma. L’œil de M. Bloche s’allume : « C’est une idée intéressante. Je vais en parler à ma candidate... ».
(Clarisse Fabre, Le Monde, 29 mars 2007)