Lettre ouverte au président de l’Académie des César

par François Lartigue

par François Lartigue La Lettre AFC n°156

Tout d’abord, je trouve un brin choquant d’être obligé de payer pour voter lors d’une élection " démocratique " concernant notre belle profession. Je n’aurai pas droit au vote, dites-vous, si je ne paie pas. Je perçois mal le côté démocratique du procédé. J’ignorais qu’il fallait payer une cotisation pour obtenir le droit de vote. On me dit également que le paiement de mon écot sert à graver et à acheminer les DVD des films proposés à mon appréciation. Pour être franc, j’éprouve un léger malaise compte tenu du fait que cette " participation aux frais " me donne à voir les films que vous, Académie des César, aurez présélectionnés au détriment de ceux que vous n’aurez pas jugé utile de me soumettre ou des œuvres que les producteurs ou les auteurs n’auront pas eu les moyens de faire diffuser sur support numérique. Là encore, à mon sens, la Démocratie en prend un léger coup dans l’aile.

En ce qui concerne les films... Vous êtes mieux placé que quiconque pour savoir ce que représente la fabrication d’un film en termes de moyens financiers et humains et ce qu’il faut de passion et d’efforts pour mener à bien une pareille entreprise. Vous nous demandez, implicitement de juger les œuvres en question sur un support numérique, pas forcément soigné, sur un écran de télévision plus ou moins bien réglé. Or, il se trouve que je fais partie de cette génération de cinéphiles qui va voir les films au " cinéma " et qui n’éprouve aucun plaisir à les découvrir en télé où ils apparaissent forcément tronqués, rognés et amoindris. Pour paraphraser Jean-Luc Godard parlant du sujet qui nous préoccupe : « Une reproduction de la Joconde n’est pas la Joconde ». Un film en DVD n’est qu’un ersatz de film, or, c’est bien de " cinéma " qu’il s’agit, non ?
Habitué des salles obscures, je ne vois pas pourquoi je serais obligé de payer (si modeste soit la somme) pour avoir le droit d’exprimer mon opinion à propos de films que j’ai déjà vus en salle et que je n’ai pas besoin de revoir en DVD.

Pour me résumer, je pense que l’Académie des César devrait étudier une méthode plus juste et plus démocratique afin que « les professionnels de la profession » (merci encore Monsieur Godard) puissent aller juger des films en salle grâce à un " passe " qui aurait le double avantage d’être moins coûteux pour les producteurs et les distributeurs que la gravure de DVD et qui donnerait à voir les œuvres à juger dans les meilleures conditions. Reconnaissez avec moi que ce ne serait pas plus mal de " conduire " les gens concernés à se déplacer en salle.
Une dernière précision : je serais chagriné si vous preniez ce courrier pour les élucubrations aigries d’un vieux technicien rétrograde en fin de carrière. J’ai la chance d’être directeur de la photo depuis de nombreuses années et je ne manque ni de travail ni de projets.
En espérant que vous jugerez utile d’apporter une réponse à mes remarques, je vous prie, monsieur le président, d’agréer l’expression de mes salutations académiques et distinguées.

Nota bene
François, joint au téléphone fin juin, nous précise que son courrier est resté sans réponse. (NDLR)