As de pics

Libération, 19 juin 2002 A propos du tournage...

par Philippe Azoury.

Libération, 19 juin 2002
A propos du tournage d’Un homme, un vrai d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu, photographié par Christophe Beaucarne.

par Philippe Azoury.

Sur un plateau inaccessible, Arnaud et Jean-Marie Larrieu tournent Un homme, un vrai : une fable burlesque, sentimentale et montagnarde, avec en toile de fond la semaine des amours du coq de bruyère.
Les Larrieu et les Pyrénées, rien de plus naturel.
Soumis à une météo capricieuse, les Larrieu ont décidé, à 6 h 30 du matin, de chambouler le plan pour tourner une séquence filmée en nuit américaine.
Pour obtenir cette nuit américaine, il faut jouer au chat et à la souris avec les nuages : en filmant en contre-jour, la brillance du soleil doit être constante. Les nuages deviennent les directeurs de production de la journée, autorisant ou non les frères à tourner, accordant ou non à la scène le temps nécessaire à sa prise. Cette partie de cache-cache montagnarde est aussi celle du scénario d’Un homme, un vrai, que l’on pourrait résumer en une comédie du remariage : une histoire de couple qui se déroule en trois fois deux jours, mais sur dix ans ! Celle de Boris (Mathieu Amalric) et Marilyne (Hélène Fillières). Quand le film tente de les rassembler, dix ans ont passé : Boris est devenu guide de montagne, et Marilyne s’appelle désormais Marilyn puisqu’elle est à la tête d’un groupe d’Américaines venues assister à une acmé sensuelle qui n’arrive qu’une fois dans l’année : l’accouplement des poules au coq de bruyère.

« D’une certaine façon, le tournage a été planifié autour de la semaine des amours des coqs de bruyère. On a eu de la chance, parce que notre chef opérateur a fait du tir à l’arc et a des réflexes incroyables. On a pu filmer exactement ce que l’on voulait. »
Quant au tireur à l’arc patenté, il s’appelle Christophe Beaucarne, il a signé la photo des films d’Anne-Marie Miéville mais aussi des Visiteurs 2. Il était sur Le Stade de Wimbledon de Mathieu Amalric. Beaucarne est l’homme de la situation, car, outre sa capacité à tirer à l’arc, il ne montre aucun problème d’ego. Or le tandem Larrieu travaille d’une façon particulière. Jean-Marie, l’aîné, est à la direction d’acteurs, Arnaud au cadre : il tient la caméra à la place qu’occupe habituellement un chef opérateur.
Beaucarne règle les lumières, discute du plan avec Arnaud, puis se transforme moitié en miss météo, moitié en Sioux : allongé (parfois), le regard vers le ciel, le pistil entre les dents, à calculer le passage des nuages, et donner son feu vert à la prise. La contrainte des nuages, c’est celle du western. Le staff technique attend longuement, puis soudain : un-deux-trois soleil et la précipitation pour tourner.
(Philippe Azoury, Libération, 19 juin 2002)