Vie du Conservatoire des techniques de la Cinémathèque française et ses enrichissements

Par Jean-Noël Ferragut, AFC

par Jean-Noël Ferragut La Lettre AFC n°267

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Depuis que Laurent Mannoni a rejoint l’AFC en tant que membre consultant, les liens entre le Conservatoire des techniques cinématographiques de la Cinémathèque française, dont il est le directeur scientifique du patrimoine, et notre association se sont resserrés. Représentant – à titre de réciprocité – l’AFC à son Conseil scientifique, j’ai pu assister à la réunion annuelle dudit conseil qui s’est tenue, en présence de Frédéric Bonnaud, nouveau directeur général, dans la réserve des appareils le 2 juin dernier. Voici un bref survol, pour la saison 2015-2016, des conférences et des enrichissements du Conservatoire.

Les conférences
Entre octobre 2015 et juin 2016, le Conservatoire des techniques cinématographiques a proposé neuf conférences dont une conférence exceptionnelle organisée en février dans le cadre de la 4e édition du Festival "Toute la mémoire du monde" et consacrée au Technicolor. Elles ont totalisé 1 397 spectateurs, la fréquentation moyenne par séance (d’octobre à mai) étant de 175 spectateurs.
Cinq de ces neuf conférences ont été filmées et la plupart sont déjà en ligne sur le site de la Cinémathèque. On notera une fréquentation plus soutenue quand des appareils sont exposés et lorsque les conférenciers effectuent des expérimentations en direct.

La première conférence de la saison 2016-2017 aura lieu le 7 octobre prochain et sera consacrée à "La Machine cinéma", l’exposition qui se tiendra à la Cinémathèque du 5 octobre au 27 janvier ; elle sera suivie d’un dialogue avec Pierre-William Glenn, AFC, animé par Bernard Benoliel et Laurent Mannoni.

Les enrichissements
Les dons
Certains membres du Conseil scientifique ont joué un grand rôle dans la recherche de pièces rares : Jacques Delacoux, Jean-Pierre Neyrac, Noël Véry, Jean-Baptiste Hennion, Willy Kurant, Natacha Chrosziki, Bernard Tichit et Danys Bruyère notamment, ont été très actifs. En moyenne, le Conservatoire bénéficie d’une trentaine de dons par an, ce qui représente environ 200 pièces. Ces dons émanent de particuliers, de collectionneurs, de techniciens, de membres de la corporation du cinéma, mais aussi d’institutions.
Grâce à Béatrice de Pastre, directrice des collections au CNC, la Cinémathèque française a pu récupérer sur le site d’Eclair, avant fermeture, une collection de grands plans dessinés à la main sur calques, datant des années 1940 à 1970 ; ces documents très précieux et de grande qualité représentent les installations d’Epinay.
Noël Véry, qui a été l’un des premiers à introduire le Steadicam en France, a fait don d’un specimen très complet, qui sera montré dans l’exposition "La Machine cinéma". Le directeur de la photographie Octavio Espirito Santo a fait don d’une caméra 16 mm Eclair ACL. Alain Besse, de la CST, a fait don d’un projecteur 35 mm Simplex.

Grâce à Jacques Delacoux, toujours très généreux à l’égard de la Cinémathèque, le Conservatoire a maintenant un bel exemplaire neuf de la caméra numérique Aaton-Delta qui complète son fonds d’appareils Aaton (sachant qu’il n’existe que quatre ou cinq exemplaires complets de cette caméra). Jacques Delacoux et ses sociétés Transvideo et Aaton Digital seront des acteurs majeurs de l’exposition "La Machine cinéma". En effet, il met à disposition ses moniteurs de qualité sur lesquels on pourra voir des films actuellement en cours de montage. Jacques a également promis un exemplaire du Cantar qui devrait être présenté en fonctionnement.

Grâce à deux voyages à Los Angeles en 2014 et 2015, Laurent Mannoni a tissé des relations très fructueuses avec l’ASC et l’industrie hollywoodienne du cinéma. Sa visite aux usines Panavision a permis l’arrivée d’un nouveau don très important : une caméra Panavision 35 mm SPSR neuve avec un zoom, trois objectifs Scope de prise de vues datant des débuts de Panavision et un objectif Bausch & Lomb pour le Scope de 1953. Il est à noter que ces pièces sont quasi introuvables aujourd’hui sur le marché, sachant que Panavision n’a jamais vendu d’appareil ni d’objectif, ceux-ci étant uniquement en location. C’est le 3e don de Panavision LA à la Cinémathèque, qui salue le rôle actif joué par Dave Kenig, responsable technique à Panavision, dont la venue à Paris était attendue le 7 juin dernier pour une visite des collections d’appareils.

La caméra Panavision 35 mm SPSR5 - Photo Stéphane Dabrowski - Cinémathèque française
La caméra Panavision 35 mm SPSR5
Photo Stéphane Dabrowski - Cinémathèque française

La fin de l’année 2015 aura été également marquée par l’entrée dans les collections d’une pièce de prestige, la caméra trichrome Technicolor – fabriquée à partir de 1932 – envoyée de Hollywood par la société Technicolor Los Angeles. Cette caméra toute bleue, fonctionnant avec trois pellicules, est rarissime et mythique (27 exemplaires fabriqués mais certains disparus ou transformés) puisque avec elle ont été tournés de grands films en couleurs comme Le Magicien d’Oz ou Autant en emporte le vent. C’est un apport essentiel pour la Cinémathèque, puisque cette caméra est certainement la plus célèbre de l’histoire du cinéma. Dans un état de conservation parfait, elle sera également montrée dans l’exposition "La Machine cinéma".

La caméra trichrome Technicolor dans la réserve de la Cinémathèque, en novembre 2015 - Photo Jean-Noël Ferragut
La caméra trichrome Technicolor dans la réserve de la Cinémathèque, en novembre 2015
Photo Jean-Noël Ferragut

Les acquisitions
Depuis juin 2015, les achats effectués par la Cinémathèque représentent une quarantaine de pièces. Telles que, par exemple, des objectifs (plusieurs optiques Totalvision provenant du directeur de la photo récemment disparu Maurice Fellous) ; une Mitchell BNC ; deux Caméflex dont l’un a été offert à Coutant par ses ouvriers ; deux Ciné-Kodak ; une caméra Eclair Gillon en bois de 1912 ; une caméra Radio Industrie de 1955 en parfait état.
Mais la pièce la plus remarquable acquise par le CNC est assurément la double lanterne de projection dite Fantascope-Polyorama de 1846. C’est la plus grande lanterne magique connue, elle mesure plus de deux mètres de haut, et le seul exemplaire de ce type conservé en France. Cet appareil spectaculaire a été acquis avec ses plaques d’origine et son matériel d’éclairage.

Entre dons et achats, de juin 2015 à juin 2016, le Conservatoire des techniques s’est donc enrichi d’un total de plus de 250 pièces. Aujourd’hui, la collection technique de la Cinémathèque, qui en comprend actuellement plus de 6 000, est probablement l’une des toutes premières à travers le monde.

(Rédigé d’après le compte-rendu de la réunion établi par Laure Parchomenko)