Madame Claude

A l’occasion de la diffusion sur Netflix de Madame Claude, de Sylvie Verheyde, produit par Les Compagnons du Cinéma, je vous propose de redécouvrir une interview faite pour le site de TSF par Laurent Kleindienst à l’issue du tournage et dans laquelle j’explique mes choix en matière de matériel de prise de vues. Je reviendrai prochainement dans un article à venir sur les différentes étapes de la postproduction du film avec Gilles Granier à l’étalonnage. Notamment pour évoquer l’utilisation de l’ACES et les différents outils de contrôle du Gamut développés en interne sur Baselight par Le Labo Paris.

Léo Hinstin, AFC, revient sur son expérience de tournage, en Sony Venice, optiques Leitz Thalia et nouvel Angénieux 36-435 x12 Plein Format, sur Madame Claude.

Laurent Kleindienst : Lors de ta rencontre avec Sylvie Verheyde, quelle était son intention artistique ?
Léo Hinstin : Quand je suis arrivé sur le projet, je ne connaissais pas Sylvie ; elle avait vu certains des films que j’avais éclairés, Nocturama, de Bertrand Bonello notamment, elle avait aussi observé le travail que je fais en pub, sur des projets mode et beauté, où l’on cherche à faire une image "léchée", façon papier glacé. Sylvie voulait une image comme ça sur le film, c’est-à-dire vraiment une image esthétique, comme dans les magazines, une esthétique qui se rapproche de la photo de mode, mettant en valeur les très beaux décors et costumes qu’elle prévoyait pour le tournage.
Parallèlement à ça, elle m’avait beaucoup parlé de prise de vues à l’épaule. De mes premières discussions avec ses proches collaborateurs parmi les membres de l’équipe, notamment son assistante, Valérie Roucher, il ressortait effectivement qu’elle apprécie de filmer en caméra portée, qu’elle n’effectue pas ou peu de répétitions et tourne très rapidement. Et puis Sylvie m’avait dit qu’elle aimait souvent faire des gros plans en focale assez courte, sans faire des plans déformés, mais de manière à ce que la caméra soit physiquement très proche des acteurs/actrices. Par exemple en plans-séquences à l’épaule qui partaient de vues très larges du décor et terminant au plus près sur un visage, face à une fenêtre.

Léo Hinstin, debout à côté de l'étagère, sur le plateau de "Madame Claude" - Photo Ariane Damain-Vergallo
Léo Hinstin, debout à côté de l’étagère, sur le plateau de "Madame Claude"
Photo Ariane Damain-Vergallo

LK : Comment t’es-tu décidé sur le choix du matériel ?
LH : Cette dynamique étant énoncée par Sylvie, j’avais essayé la Sony Venice sur un précédent projet, elle m’avait beaucoup intéressé. Caroline Champetier m’en avait également beaucoup parlé et j’ai compris pourquoi elle trouvait que c’était une caméra innovante, qui apportait une vraie liberté de tournage pour un directeur/trice de la photographie, à la fois en termes technique et esthétique. Esthétiquement, la très grande qualité du capteur m’a marqué, notamment son rendu sur les carnations. J’ai été vraiment ébloui la première fois que je m’en suis servi.
Sur le plan purement technique la double exposition, le "dual ISO", la double sensibilité, c’est quelque chose que j’avais déjà expérimenté en me servant de la Varicam de Panasonic. C’est idéal parce que ça permet d’éclairer "à l’œil" et de gagner du temps de tournage en fin de journée. Nous avons effectué quelques tests, je savais que les modes 500 ISO et 2 500 ISO étaient parfaitement compatibles, c’est-à-dire qu’ils se montent l’un et l’autre parfaitement à l’intérieur d’une même séquence, sans aucun problème d’étalonnage.

Léo Hinstin, tenant bon la caméra Sony Venice - Photo Ariane Damain-Vergallo
Léo Hinstin, tenant bon la caméra Sony Venice
Photo Ariane Damain-Vergallo

En long métrage, quand tu sais que tu vas partir sur des grands plans à l’épaule, traverser 15 fois le décor dans la même séquence, faire des 360°, etc., avoir une caméra super sensible te permet de ne pas devoir installer des tonnes d’éclairage. De plus, pour filmer des gros plans en courte focale à l’épaule, je me suis dit qu’un grand capteur allait être parfait pour limiter les déformations.

Madame Claude étant un film d’époque, on s’attendait à devoir faire un peu d’ "effaçage numérique", mais le budget limité ne permettait pas d’en faire beaucoup. Un autre avantage du grand capteur, en jouant sur la profondeur de champ, a été d’obtenir des flous bien marqués sur les arrières-plans, ce qui nous a dispensé d’effacer certaines voitures, panneaux, etc.

Bande-annonce officielle


https://youtu.be/R4L8ROwel6w

synopsis

Fin des années 1960, Madame Claude règne sur Paris et au-delà grâce à son commerce florissant. En réinventant les codes de la prostitution, en empruntant ceux de la bourgeoisie et en s’inventant un passé respectable, elle est devenue une femme d’affaires redoutée et estimée du monde politique au grand banditisme. Femme de pouvoir dans un milieu et une époque d’hommes, à la veille des grands mouvements de libération de la femme, elle sera aussi le témoin de la fin d’une époque. Sa rencontre avec Sidonie, son opposée mais aussi son alter ego, sera imperceptiblement le fil conducteur de l’érosion de son empire. Sidonie est la fille qu’elle s’est choisie, qui deviendra presque son bras droit. Pour la première fois de sa vie, elle tient à quelqu’un. Elle qui tient le tout Paris dans ses carnets, qui s’est construite sur la haine et la honte, aimer quelqu’un, ça, elle ne sait pas le gérer. Sans le vouloir, et sans doute aussi car elle représente la liberté et l’indépendance, Sidonie précipitera sa chute...