Manipuler la lumière et l’ombre pour "La Tragédie de Macbeth", photographié par Bruno Delbonnel, AFC, ASC

Une étude de cas par FilmLight

par FilmLight Contre-Champ AFC n°329

La Tragédie de Macbeth est le premier projet de réalisation solo de Joel Coen, photographié par Bruno Delbonnel, AFC, ASC, quintuple nominé aux Oscars. Basé sur la pièce Macbeth, de William Shakespeare, ce conte de meurtre, de folie et d’ambition met en vedette Denzel Washington et Frances McDormand.

Le film a été acclamé par la critique pour sa réalisation, sa cinématographie et les performances de ses acteurs. Entretien avec le coloriste superviseur, Peter Doyle, sur son rôle dans la réalisation du look de ce film époustouflant.

Vous avez déjà travaillé sur deux longs métrages avec les frères Coen. En travaillant uniquement avec Joel sur ce projet, le flux de travail et la méthode étaient-ils différents ou assez similaires ?
Peter Doyle : Le processus était similaire, mais la production était différente : Inside Llewyn Davis a été tourné en pellicule, The Ballad of Buster Scruggs avec l’Arri Alexa, tandis que The Tragedy of Macbeth a été tourné avec l’Arri LF.

Le mélange de lieux et de décors était également très différent à chaque fois.

Quand le choix de filmer en noir et blanc a-t-il été fait ?
PD : Joel a pris la décision alors qu’il travaillait sur l’adaptation de la pièce.

Comment avez-vous décidé du look du film ? Joel Coen et le directeur de la photographie Bruno Delbonnel vous ont-ils donné des références ?
PD : Joel explique l’histoire et les rythmes, il est descriptif plutôt que prescriptif. Il y avait parfois des notes spécifiques, mais en général, il nous demandait simplement que l’étalonnage permette de servir l’histoire.

Bruno est très éloquent pour décrire ses concepts de lumière. Son mot le plus utilisé était gris – il s’agissait donc de reproduire une échelle de gris.

Les références cinématographiques dont nous avons discuté étaient La Passion de Jeanne d’Arc, de Carl Dreyer, La Nuit du chasseur, de Charles Laughton et Oliver Twist, de David Lean. La plupart des discussions, lorsqu’elles ne portaient pas sur les personnages et le film, invoquaient des architectes travaillant avec minimalisme et des artistes travaillant avec la lumière, comme Tadeo Ando, Shigeru Ban, James Turrell et Robert Irwin.

Au cours de la préparation, les mots les plus utilisés étaient "austère" et "minimal", et j’ai traduit cela par une absence de grain, pas de flare, pas d’artifice rétro – ce qui était quelque peu contraire aux attentes étant donné que le film était finalisé en 1,33 N&B.

Comment vous êtes-vous préparé au projet et à quel moment vous y êtes-vous engagé ?
PD : Je me suis impliqué dès l’arrivée de Bruno. Nous sommes entrés dans le film en prévoyant d’utiliser le capteur Arri N&B, mais le besoin d’incrustations sur fond bleu a forcé le passage au capteur couleur Arri à la place.

De plus, alors que la pureté d’une image N&B était attrayante, je craignais que Bruno et Joel ne soient enfermés dans la façon dont le capteur rendrait les tons chair. Et aussi, que toute modification de l’image autre que l’échelle des tons nécessiterait de la rotographie, ce qui, pour moi, allait à l’encontre du mantra austère et minimal.

En préparation, j’ai mis en place mes propres tests de prises de vues avec des dos numériques moyen format achromatiques et trichromes, avec de la lumière UV, IR et normale, sur des modèles à peau noire et blanche, et une boîte pleine de tous les filtres N&B classiques. Cela a montré ce qui serait nécessaire pour faire raccorder un capteur couleur à un capteur N&B filtré et, pour Bruno et moi, d’avoir une langue commune et une référence pour l’étalonnage.

Comment Baselight vous a-t-il aidé à obtenir ce look ? Comment avez-vous traduit les pensées intérieures torturées de Macbeth dans votre note ?
PD : Cela semble évident, mais il n’y a pas de projection ou de diffusion DCI achromatique. Au final, nous avons livré un fichier très désaturé, c’est-à-dire qu’il s’agissait avant tout de gérer les points blancs. En travaillant dans l’espace colorimétrique de mastering et sur les points blancs, nous avons pu conserver le même N&B D60 pour le DCI, D65 pour le HDR et D65 pour la projection laser Dolby Vision.

En passant à Baselight 5.3, nous avons pu supprimer toutes les LUTs du pipeline, ce qui a donné une qualité d’image incroyable, presque 3D. Nous avons pu contrôler complètement la froideur ou la chaleur du N&B et moduler la température de couleur à travers les scènes. C’est extrêmement subtil, mais nous avons rendu les intérieurs froids et les extérieurs chauds, mais toujours en N&B.

Lire la suite, en anglais, sur le site de FilmLight.

(Traduit de l’anglais par Laurent Andrieux pour l’AFC)