Marin Karmitz veut plus de films à la télévision et moins dans les salles

La Lettre AFC n°106

Rappelant que l’organisme qu’il préside accueille des distributeurs de toutes tailles (y compris les filiales françaises des groupes américains), Marin Karmitz insiste sur la fragilité des " PME " du secteur, garantes « de la diversité et de la recherche, elles-mêmes garantes de l’importance de la France dans le monde en matière de cinéma ». Il rappelle que, face à la hausse des coûts de sortie, ces sociétés ne peuvent vivre des seuls revenus des films en salles, et ont donc un besoin vital des " droits secondaires " (ventes aux télévisions, vidéo, exportation). Il dénonce les conséquences catastrophiques de la baisse des achats de films par certaines chaînes, M6, et surtout France 2.

Premièrement, au-delà d’un meilleur accueil aux ayants droit, rendant moins aléatoire leur survie économique, il demande « que le service public défende ces films et donne envie d’aller au cinéma et reprenne la formation du public ».
Le Bureau de liaison des industries cinématographiques (dont est membre la FNDF) négocie avec Marc Tessier, président de France Télévision, l’assouplissement de la définition des films dont la diffusion serait désormais autorisée le vendredi soir à partir de 20 h 30. Outre les œuvres classées " art et essai ", 30 % d’autres titres auraient accès à cette case, à condition qu’ils aient été vus par moins de 600 000 spectateurs en salles. Le double engagement sur la diffusion " valorisée " et la renaissance d’émissions ayant vocation à mettre en valeur « la mémoire du cinéma aussi bien que sa vitalité contemporaine » correspond à la place centrale des chaînes généralistes, contre la tentation actuelle de repousser vers des chaînes thématiques la présence du cinéma.

Le second axe stratégique développé par Marin Karmitz concerne l’explosion du nombre de films distribués, dont un nombre croissant de " sorties techniques " destinées à assurer le statut cinématographique de productions. « Cet embouteillage entraîne de graves problèmes pour les distributeurs : difficulté d’accès aux écrans, rotation trop rapide, hausse des coûts et moindre efficacité de l’affichage et des bandes-annonces, perte de visibilité des articles dans la presse et perte d’identité des films eux-mêmes. » Il demande donc l’établissement d’un « code de bonne conduite ", mis en œuvre par les grands acteurs du secteur, à commencer par Canal+ : « On approche régulièrement l’occupation de 50 % des écrans par des films distribués par des sociétés liées à Canal+. C’est un rapport non concurrentiel, qui pourrait être sanctionné par Bruxelles. »

Face à des concentrations verticales qu’il juge très inquiétantes, Marin Karmitz préconise également l’organisation des distributeurs de petite taille en " pool ", qui disposerait de moyens accrus pour l’achat d’espace publicitaire permettant de mettre leurs films en évidence, et en particulier d’occuper avec davantage d’efficacité les seuls moments de l’année où les écrans ne sont pas saturés : l’été.
(Propos recueillis par Jean-Michel Frodon, Le Monde, 11décembre 2001)