Festival Manaki Brothers 2024, 45e édition
Mes rencontres cinématographiques à Manaki (1)
Par Sarah Blum, AFCJe vous livre ce journal, en portrait et en texte, tels des fragments d’inspiration, à partager sans modération. Et je crée un condensé de ces rencontres en une image, une citation que vous pouvez retrouver sur la page Instagram de l’AFC.
- JOUR #1
Birgit Gudjonsdottir
Birgit a commencé à travailler en tant qu’assistante caméra sur des publicités, puis elle est devenue directrice de la photographie. Elle a commencé par des pack shot de publicités, puis s’est dirigée vers les longs métrages documentaires et de fiction. Elle est d’origine islandaise, mais vit à Berlin et travaille sur des productions allemandes et des coproductions internationales.
Elle a été membre de la BVK et de l’IKS dans le passé, puis s’est tournée vers d’autres aventures en créant Cinematographinnen, le collectif allemand des directrices de la photographie.
Une sélection de sa filmographie :
- Odd Fish, réalisé par Snaevar Sölvason, Islande (2024 - au cinéma en Islande actuellement)
- Die Rüden, réalisé par Connie Walther, Allemagne (2019)
- Grand Despair, réalisé par Seyfi Teoman, Turquie (2011)
- No Name City, réalisé par Florian Flicker, Autriche (2006)
Pensez-vous que le fait de travailler à la fois sur des documentaires et des fictions est précieux pour votre travail, que vous pouvez enrichir votre travail sur les longs métrages avec ce que vous avez appris sur les documentaires et vice versa ?
BG : Absolument oui. Grâce à mon expérience dans le documentaire, je suis très consciente et alerte lorsque des éléments importants apparaissent et je suis entraînée à les saisir très rapidement. Cela signifie que je suis capable de me positionner rapidement. Je suis également devenue une opératrice de caméra très sûre et réactive.
Lorsque je tourne un long métrage, je reste ouverte aux changements et je peux m’adapter si quelque chose d’inattendu mais de fort se produit.
Il m’arrive aussi de suivre un acteur avec un mouvement de caméra qui n’était pas prévu s’il propose quelque chose de différent au milieu de la prise.
Quel est le conseil que vous donneriez aux jeunes directeur
rice s de la photographie, quelque chose qui vous semble essentiel et que vous avez appris au cours de vos années de pratique ?BG : C’est d’imaginer un film, de faire la liste des plans et d’éclairer avec toute mon expérience personnelle de la vie. J’essaie de m’en tenir à ce qui est très vrai pour moi.
Parfois, cela signifie qu’il faut déconstruire certaines habitudes de visionnage. Je veux dire par là que nous avons grandi avec des films et des images qui utilisent aussi beaucoup de conventions.
J’essaie de les remettre en question et parfois de réinventer ma propre façon de faire.
Par exemple, avez-vous déjà réfléchi à la convention d’éclairage des hommes et des femmes au cinéma, un éclairage qui est très genré depuis des dizaines d’années ?
Traditionnellement les femmes bénéficient d’une lumière frontale très douce, pour que leur peau soit parfaite et aussi jeune que possible, et d’un contre-jour qui sublime leur beauté angélique. Les hommes reçoivent des lumières plus dures et contrastées pour souligner leur virilité, leur force ou leur potentiel menaçant.
Pourquoi ne pas transgresser ces règles de temps en temps, quand je pense que cela convient à l’émotion du film et à ce que nous voulons raconter d’une scène à l’autre.
Lorsque je filme de jeunes actrices, je suis particulièrement souple avec les directions de lumière. Je pense que leur beauté et leur jeunesse ne peuvent pas être détruites par les lumières, mais que nous pouvons créer un plus large spectre d’émotions en s’éloignant de la lumière frontale sur un visage.
Lorsque je filme des actrices plus âgées, cela devient plus compliqué. Quand l’expressivité de la lumière commence-t-elle à être perçue comme laide ou à enlaidir le visage d’une femme âgée ?
Je m’en tiendrai donc davantage à l’idée conventionnelle de directions de lumière, qui restent plus flatteuses.
Pour un homme, je peux créer une lumière douce ou une lumière frontale, lorsque c’est pertinent.
Agnès Godard, AFC
Agnès a été la première femme cheffe opératrice à recevoir un prix pour l’ensemble de sa carrière, il y a environ dix ans, au festival Manaki Brothers. Cette année, elle siège dans le Jury fiction de la Camera 300 à ce festival international de la cinématographie.
Elle a signé plus de 60 longs métrages, reçu plusieurs grands prix, et elle est connue pour sa filmographie avec les réalisatrices Claire Denis, entre autre Beau travail (1999), et Ursula Meier, dont Home (2008). Son dernier travail est Rabia, de Mareike Engelhardt (sortie en France en novembre 2024).
Accessoirement, Agnès est ma marraine au sein de l’AFC. J’ai toujours été fascinée par sa manière de cadrer, de réussir à faire corps avec les comédiens et de trouver des plans qui semblent aller de soi, jamais on y sent l’artifice de leur fabrication, alors même qu’on est en cinéma et qu’il faut beaucoup de travail pour en arriver là.
Y a-t-il quelque chose dans la cinématographie que tu aimes particulièrement ou que tu as compris après des années de pratique ?
AG : Oui, j’éprouve un réel plaisir à trouver le plan ou le plan-séquence que l’on pourrait qualifier d’"autosuffisant", qui n’a pas besoin de plus. C’est paradoxal dans un film qui est censé être une série de plans. Mais c’est vrai, parfois on voit que c’est là, une image de l’acteur qui contient l’émotion, l’histoire et même tout le mystère de celle-ci. C’est alors qu’elle est vivante.
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(L’équipement photo a été mis à disposition par le loueur Loca Images, Paris)