Micro Climat

par David Grinberg, cadreur

AFC newsletter n°164

J’avais manqué les dernières éditions. De sa toute première, il m’était resté son côté " Franc-Tireur " et spartiate. Monté avec les moyens du bord par les membres de l’AFC, le Micro Salon voulait à l’époque regrouper en un lieu unique et sur une même journée les quelques fabricants concernés par la prise de vue, éparpillés qu’ils étaient dans le tout venant audiovisuel d’un Satis devenu trop grand. Ses affiches arboraient fièrement une cale-sifflet. La joie y régnait, notamment celle d’avoir réussi son pari.

Aujourd’hui sa physionomie a changé. Il a pris de l’envergure, de l’assurance. Mais sa vocation est demeurée intacte. Une Technocrane se déploie dans l’étroite cour d’entrée de la Fémis et les exposants, toujours plus nombreux, doivent se répartir un espace qu’ils savent déjà trop étroit. Mais on perçoit que chacun y a mis du sien pour que tout le monde trouve sa place et aussi pour en laisser un peu à des nouveaux venus, à l’image d’Air Liquide et de sa pile à hydrogène. Les caméras numériques ne rougissent plus devant leurs grandes sœurs argentiques.

Pour l’édition 2007, je m’étais " préparé " en invitant quelques amis à s’y retrouver. Il était évident que beaucoup en avait fait de même. Ce qui m’a frappé, c’était de lire sur les visages et dans les voix un véritable enthousiasme et d’y trouver de la joie, ce qui était plutôt inattendu par ces temps de Crise.
Cette édition avait le goût des retrouvailles. Chaque exposant s’était fait un point d’honneur à offrir au salon la primeur de son ultime nouveauté. Les inventeurs étaient venus parfois de très loin pour présenter leur dernière astuce.

Les visiteurs, dont je faisais partie, traquaient la moindre innovation, repéraient les améliorations : « … - Oui ce sera disponible aussi en monture PL. Un bloc arrière anamorphique est également prévu ce qui permettra de tourner en Scope avec n’importe quelle optique sphérique… - L’électronique de la tête a été complètement repensée. Regarde ce qu’elle a gagné en fluidité… - Ce sont des LED qui sont capables de passer du rouge au vert et qui sont entièrement programmables. Et tu as vu la température du projecteur ?… »
Chacun s’imaginait tout de suite comment il pourrait les utiliser, refaisant dans sa tête les plans impossibles du dernier tournage. La technologie affirmait là son incroyable vitalité. Choisissant de montrer ce dont elle était le plus fière, elle était venue offrir au Cinéma ses nouveaux outils. Car c’était bien le Cinéma qui était dans la tête de tous. Cette vitalité était d’ailleurs communicative. Je n’ai jamais trouvé le temps d’assister aux projections tellement les discussions devenaient intenses, tellement chacun retrouvait une avidité à partager ses expériences. Je n’avais pas revu certains depuis très longtemps. Tel un besoin vital, tous se retrouvaient autour d’une seule envie : de ne penser qu’au Cinéma et de le consacrer. Comme si trop peu d’occasion nous en était aujourd’hui donné.

Nous subissons un marasme économique et intellectuel, tout le monde s’en rend bien compte. Patiemment, il corrode tant d’aspirations à la qualité et à l’excellence, deux valeurs dont le Cinéma était traditionnellement porteur. A côté de ce marasme s’est miraculeusement formé, le temps d’une journée, un microclimat au-dessus de ce salon. Il y faisait bon. Cela parlait de Cinéma, les passions s’exprimaient. C’était comme se retrouver ensemble à l’intérieur d’un foyer de cheminée et de s’y réchauffer. Non pas pour y être reclus et frileux mais à l’abri, le temps de rassembler des énergies éparses, le temps de faire renaître une nouvelle émulation. Imaginer le Cinéma à l’aube de ces nouveaux outils, c’est déjà le réinvestir. Cela tient chaud et invite au renouveau.