Modifier le cadre, varier la lumière, mais toujours pour le film

Le Monde, 6 août 2003

par Renato Berta La Lettre AFC n°124

Ce qui intéresse Renato Berta n\’est pas affaire de lumière, d\’harmonie ou de dissonance dans le cadre. Il n\’est pas là pour faire de la photo mais du cinéma. Le seul objet qui le passionne, c\’est le film.
En 2000, sur Marie-Jo et ses deux amours Berta avait joué l\’harmonie de l\’image contre la dissonance des sentiments. Mon père est ingénieur relève d\’une autre expression. « L\’autre soir, on filmait une scène entre Dada (Jean-Pierre Darroussin) et la voisine (Frédérique Bonnal), on s\’est aperçu que ça ne l\’intéressait pas beaucoup, Dada, ce qu\’elle racontait. Alors on l\’a filmé de dos, avec le visage de la voisine décadré, à moitié dans le champ, flou. Mais quand on décadre, il faut être encore plus précis. » Cette tendance à briser le cadre se double d\’un parti pris de contre-jour, pris en connivence avec Guédiguian. Renato Berta livre l\’un des fondements de sa méthode : « Le plan de travail est aussi important que le scénario. » Le plan de travail est ce document qui prévoit l\’ordre dans lequel les scènes seront tournées, en fonction souvent du moindre coût. « Mais si on tourne en une seule journée tous les plans d\’ascenseur, il ne se passera rien, » observe l\’opérateur. « Avec Robert, parce qu\’on a une petite équipe on peut aller et venir. C\’est ainsi, sur Marie-Jo, qu\’on a pu sentir la tension monter tout au long du film. » Sous ses dehors de rendez-vous estival rituel entre amis autour de Guédiguian, Mon père est ingénieur est en fait le nouvel épisode d\’une longue marche qui s\’enfonce de plus en plus loin à l\’intérieur du cinéma. (Thomas Sotinel)