Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran

« Lorsque François Dupeyron me parla de son projet de film Monsieur Ibrahim..., mon imagination fut frappée par deux mots qui allaient nourrir mon travail : France des Sixties et chaleur de l’été. Ce fut un mélange de deux univers que j’ai croisés pendant 9 semaines et dont je suis très friand : les années 60 à Paris, support d\’un conte humaniste se trouvant diablement d’actualité.

Raconter la chaleur de la rue, l’ennui d’un jeune garçon, juif dans le Paris populaire, faire ressentir une histoire filiale forte entre deux personnages de deux générations différentes au sortir de la guerre d’Algérie : Omar Shariff et Pierre Boulanger. Et pour marquer leurs chemins respectifs rien de plus sensible que de travailler au corps à corps, d\’une façon très charnelle, très proche des comédiens, à l’affût du moindre regard, de la moindre réaction de chacun des personnages : la caméra à l’épaule me semblait le plus juste, l’idée de François étant de décaler dialogue et caméra.

Nous sommes donc partis vers un filmage nourri de longs plans-séquence, tentant de capter d’une façon presque documentaire les émotions des personnages. Une direction bien à l’opposé des œuvres précédentes de François. Il faut dire que la méthode de travail nous permettait a priori de capter ce " ressenti " des acteurs : en effet chaque journée de tournage commençait par une séance de deux heures de répétition, seul avec les acteurs et François, dans le décor, à travailler pour chercher l’axe juste, le ton de la scène. Deux heures primordiales qui à mon avis furent la clé de la réussite des scènes.

En ce qui concerne la lumière, plutôt que de filmer les personnages en plein soleil pour raconter cette époque, j’ai proposé à François d’utiliser des taches fortes de lumière dans les décors et de créer de fortes zones d’ombres donc de fraîcheur ou les personnages évolueraient. L’intimité de l’ombre et de la fraîcheur (épicerie et appartement) permettant de se parler dans un univers plus propice.

Pour en revenir au tournage, 3 décors principaux :
Extérieur rue à Paris (petite rue du Sentier réaménagée en année 1962 avec amorce décor ext. de l’épicerie et de l’appartement du jeune garçon), intérieur studio pour épicerie avec découverte en dur de la rue, intérieur décor naturel appartement " borgnolé ", extérieur Turquie.

Pour l’appartement, j’ai retenu l’idée de cramer les fenêtres pour 2 raisons : la première, esthétique, car je voulais que l’extérieur soit très lumineux et l’intérieur très dense et la deuxième raison pour les découvertes qui ne nous convenaient pas pour nos raccords. Ce qui m’a amené à jouer sur les rapports de contraste et de hautes lumières au-delà des " normes pelliculaires" (150 kW sur l’extérieur-découverte et 2,5 kW à l’intérieur de l’épicerie). Je tiens à souligner le remarquable travail de la chef décoratrice Katia Wyschkop.

Je garderai avant tout le souvenir d’une très belle aventure humaine, d’un film de ressenti et d’émotions (un film ou la caméra était actrice). Pour finir, merci à toute l’équipe pour son soutien lors de longs plans-séquence à l’épaule et une mention spéciale pour la pointeuse Elin Kirschfink dont le travail fut remarquable et Laurent Pauty son assistant. »

Équipe

chef décoratrice : Katia Wyschkop
1er assistant opérateur : Elin Kirschfink
2e asssitant opérateur : Laurent Pauty