Moolaadé

La force de ce film est son sujet. Quatre fillettes d’un village s’enfuient et demandent la protection, le " Moolade ", à une femme pour échapper à la cérémonie d’excision qui leur était destinée.

Tout le film est palabre à propos de ce rite dont chaque groupe, les femmes, les hommes, les imams, cherchent à justifier l’obligation.

Comme tous les films d’Ousmane Sembene, ce cinéaste et écrivain sénégalais, le film est un plaidoyer social et politique courageux où les choses sont dites sans langue de bois, C’est la réalité belle et dure de l’Afrique qui est décrite. C’est un film pour les Africains.

Cinématographiquement, la forme est très conventionnelle, voire un peu fastidieuse. Ousmane est un metteur en scène plus écrivain que visuel. Tout ce qui est dit doit être filmé. J’avais du mal à poser une touche esthétique, voire envisager un plan-séquence qui aurait été coupé par moult gros plans. Mais quand je filme en Afrique je me place plutôt en témoin de ce qui se passe devant moi, j’essaye d’être objectif et ne suis que l’élément de captation de cette culture si étonnante.

Nous avons tourné au Burkina Faso, un des seuls pays où les exciseurs sont jugés et punis de prison, en langue Dioula, la plus commune de l’Afrique de l’Ouest, pour une meilleure diffusion du film, avec des acteurs burkinabés et maliens absolument formidables. L’équipe technique du Burkina était exceptionnelle (autant sur le plan professionnel qu’humain), notamment Hassan Maïga le chef électricien et Paul Djibila le premier assistant à l’image...

Le film, tourné en 35 mm, a été traité au laboratoire du CCM de Rabat. Je n’ai pu contrôler le travail comme je le souhaitais, cela est très dommage pour la copie.
Il est à noter que la postproduction du film a été complètement déstabilisée, car la subvention attribuée par le Fonds Sud à la création a été versée par le CNC plus d’un an après son attribution. De ce fait, la secrétaire de plateau, l’ingénieur du son et moi-même avons reçu nos salaires du film avec un an de retard ! ! !

Un grand merci à l’équipe de Technovision, pour son soutien dans cette aventure difficile.

Quoi qu’il en soit, c’est une grande chance de collaborer à de tels films. Ici en Afrique, le cinéma a un sens, continuité de la transmission orale, c’est un fantastique véhicule de communication et de culture. Ousmane Sembene doyen du cinéma africain signe là son 14e film, certainement un des plus forts. Crier la douleur de toutes les femmes victimes de la barbarie de cette torture ordinaire. Si ce film peut faire changer un peu les choses, il nous faut continuer à défendre aussi ce cinéma-là.

Que rajouter depuis cet accueil formidable de Cannes où le film a reçu le prix Un certain regard. Je suis très heureux que ce film, que je considérais comme confidentiel réservé aux érudits intéressés par l’Afrique, soit accueilli aussi largement. Cinquante copies pour la France, cinq salles à Paris, un gros soutien d’Amnesty dans le cadre de la journée de la femme. Ce film est vu dans le monde entier, remporte un gros succès aux USA, des ventes importantes en Asie où peu de films africains étaient jusqu’à présent diffusés.

Je me bagarre avec les techniciens du laboratoire LTC où les copies françaises seront tirées, pour récupérer les nombreuses malfaçons du laboratoire marocain de Rabat CCM où le film a été traité. (Dominique Gentil)

Équipe

1er assistant caméra : Paul Djibila
Chef électricien : Hassan Maïga

Technique

Laboratoire : CCM (Rabat)
Tirage des copies françaises : LTC