Où la directrice de la photographie Hélène Louvart, AFC, parle de son travail sur "Le Meraviglie (Les Merveilles)", d’Alice Rohrwacher

par Hélène Louvart

Nous avions déjà tourné avec Alice Rohrwacher Corpo celeste au sud de l’Italie il y a trois ans. En Super 16 mm, un film essentiellement tourné tout à l’épaule. Le film avait rencontré un grand succès – une sélection à la Quinzaine des réalisateurs, puis l’équivalent du César du meilleur premier film en Italie, ainsi que de nombreux prix dans différents festivals, et le prix du meilleur film européen, ce qui est déjà pas mal pour une premier film…
Alice Rohrwacher et Hélène Louvart - DR
Alice Rohrwacher et Hélène Louvart
DR

Fort de cette expérience, " l’amour " d’Alice pour le Super 16 n’a fait que s’amplifier… Le Meraviglie est un film coproduit par l’Italie, l’Allemagne et la Suisse, avec cette envie de fabriquer un film de manière artisanale, où les qualités et les défauts du Super 16 sont totalement assumés, et même utilisés pleinement dans la narration. Un film libre, avec des partis pris décidés pendant le tournage, que même la période du montage n’a jamais remis en question, comme par exemple des moments très sombres ou très colorés selon les scènes, qu’Alice et moi-même avons gardés jusqu’au bout de l’étalonnage.
" S’amuser avec le support, s’amuser avec le soleil, s’amuser avec les effets feux dans la cheminée, s’amuser avec une ‘imagerie télévisuelle’ lors des scènes d’une équipe de tournage qui reconstitue un plateau télé dans des grottes étrusques ", telle était notre devise. Et toujours en faisant ressortir au maximum les qualités et les défauts humains de chaque personnage filmé, tout en les " aimant " à l’image énormément… Voila l’idée générale du concept. Et avec toujours de la vie et du plaisir dans ce que nous faisions…

Huit semaines de tournage, dans une ferme, dans un milieu d’apiculteurs, et en parallèle dans un monde de rêve amené par un monde fantasmé d’une télévision régionale… Nous avons continué avec Alice notre " doctrine " du Super 16 également lors de l’étalonnage, nous interdisant toute utilisation d’outils numériques. Sauf pour " remonter des images trop sombres en prise de vues ", où là, les nouveaux outils d’étalonnage devenaient utiles.
Lorsqu’Alice a su qu’elle était sélectionnée à Cannes, elle a demandé – comme une blague – à son producteur Carlo de lui acheter dès à présent un container de films Super 16 mm pour son prochain film, mais là, elle a tout de suite compris dans la réponse qu’elle a obtenue que ce n’était plus qu’une utopie à notre époque actuelle… Nous étions très tristes à l’idée de ce constat, mais nous avons noyé notre chagrin dans un bon verre de vin !