Patrick Ghiringhelli, directeur de la photographie, parle de son travail sur "Djam", de Tony Gatlif

"Rebetiko Blues", par François Reumont pour l’AFC

Le cinéaste musicien Tony Gatlif, récompensé à Cannes en 2004 (pour le film Exils), s’intéresse cette année à une autre histoire de femmes. Entre la Turquie, le nord de la Grèce et l’île de Lesbos, Djam a nécessité 40 jours de tournage, sur un mode "road movie musical". Retour avec le directeur de la photographie Patrick Ghiringhelli sur ce film présenté lors d’une Séance spéciale au Cinéma de la Plage, au Festival de Cannes.

« Djam est un film très libre », explique Patrick Ghiringhelli. « Tony Gatlif a voulu raconter le trajet d’une femme qui, petit à petit, prend conscience de l’injustice qui l’entoure, avec comme arrière-plan narratif la musique traditionnelle protestataire grecque, le Rebetiko, et le contexte des migrants qui tentent de rejoindre l’Europe depuis la Turquie. Les personnages croisent en permanence les traces qu’ont pu laisser ces populations sur leur passage. »

D’abord assistant opérateur sur plusieurs films du réalisateur, Patrick Ghiringhelli travaille pour la seconde fois en tant que directeur de la photo avec lui (après Géronimo, en 2014).

« Djam est un film résolument moins posé que ceux que j’ai pu faire avec Tony. Il y a dans ce film une dynamique, une énergie qu’on a essayé de garder tout au long du tournage, insufflée en grande partie par la musique et par Tony. Une manière de filmer assez libre, à l’image de ce premier plan du film où la comédienne chante devant un grillage et est suivie en un long plan-séquence. »

Le chef opérateur explique : « Tout le film a été tourné en petite équipe, la plupart du temps en lumière naturelle. A l’exception de panneaux LEDs fonctionnant sur batterie, nous n’avions que très peu de lumière additionnelle. Le tournage hivernal (novembre, décembre 2016) nous a offert de très belles lumières rasantes. L’image tend naturellement vers des ambiances lumineuses aux tonalités de bruns... Très peu de vert et surtout pas le bleu profond qu’on associe souvent aux images de la Grèce. »

Choisissant la légèreté pour ce travail itinérant, Patrick Ghiringhelli est parti avec une Arri Alexa Mini équipée d’une série d’optiques Canon K35. « Ce sont, à la base, des optiques photo, et je trouve leur rendu de couleur très plaisant. Quant aux textures, elles sont très douces à pleine ouverture et deviennent ensuite plus piquées dès que l’on ferme le diaphragme. L’Alexa Mini équipée de ces optiques est très compacte et devient un outil précieux dans ce genre de configuration. »

Autre passerelle avec le monde de la photo, le format de cadrage 1,50:1, un format inhabituel au cinéma. « En préparant, Tony m’a fait découvrir des cartes postales d’époque montrant des groupes de musique de Rebetiko, et nous avons décidé de garder ce même format. Très intéressant, surtout dans les séquences musicales, où l’on pouvait facilement utiliser la hauteur de l’image pour filmer les musiciens et leur instrument.

Revenant sur la postproduction, Patrick Ghiringhelli explique : « Le film étant coproduit par la région Auvergne-Rhône-Alpes, j’ai été amené à découvrir le laboratoire lyonnais Lumières Numériques. C’est une petite structure composée de jeunes interlocuteurs, très dynamiques et efficaces. Ils nous ont fourni un travail très sérieux allant du suivi des rushes (merci à Lucile Fauron) jusqu’à l’étalonnage avec Olivier Dassonville. »

(Propos recueillis par François Reumont pour l’AFC)