Patrick Grandperret, séducteur et solaire, à suivre jusqu’aux enfers

Par Jean-Michel Humeau, AFC

par Jean-Michel Humeau La Lettre AFC n°296

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Patrick s’est éloigné de nous samedi dernier entouré de sa famille et de ses nombreux amis. Discret cimetière de Saint-Maur où les accents de Bashung et Brassens ont accompagné les témoignages de fidélité de ceux qui l’aimaient.

Ils ont loué sa force, son inventivité, son impatience à tout vivre et tout vouloir partager avec générosité, son anarchisme viscéral et en même temps sa capacité contagieuse de rassembler autour de lui ses salopards, comme il nous appelait, qui dans sa quête du Graal l’accompagneraient jusqu’au bout de ses desseins.
L’Enfant lion fut sur la durée une histoire d’amour entre le cinéma, ses souvenirs d’enfance, la nature, l’Afrique, la recherche de l’authenticité : être au plus près des animaux comme des hommes et pour cela prendre des risques comme il en avait pris en moto.

Patrick Grandperret et Jean-Michel Humeau sur le tournage de "L'Enfant lion", en 1992 - Au 2<sup class="typo_exposants">e</sup> plan, Jérôme Arrignon et un membre de l'équipe ivoirienne - Photo Olivia Bruynoghe
Patrick Grandperret et Jean-Michel Humeau sur le tournage de "L’Enfant lion", en 1992
Au 2e plan, Jérôme Arrignon et un membre de l’équipe ivoirienne - Photo Olivia Bruynoghe

D’être son propre cadreur lui donnait la liberté de composer, de rythmer, d’être seul responsable de plans-séquences, qu’il démonterait ensuite au montage. A nous de suivre. A Martin Legrand et Tristan Fabre les assistants d’improviser sans repères le point au plus juste, comme lui-même improvisait sans cesse. Il me restait juste avec la complicité de Pierre David à improviser la lumière qui éclairerait sa composition.

Nous avons commencé le film en Côte d’Ivoire et le choix d’une région de collines aux roches sombres permettait de compenser la dureté du ciel blanc avec des plans souvent en plongée. Au Niger, les éclats d’une forêt pétrifiée donnent à l’enlèvement des esclaves un côté dantesque. Au Maroc, le Ksar au sud de Marrakech qui abrita La Dernière tentation du Christ fut le lieu d’enfermement et de délivrance des enfants que Nikos Meletopoulos sut transformer comme il avait créé de rien le village en Côte d’Ivoire. Au Zimbabwe, c’est avec des arcs soviétiques venus d’Afrique du Sud, comme les éléphants, que le décor des lions fut éclairé.

Cyclo en fond de décor pour la scène des lions au clair de lune éclairée par des arcs, au Zimbabwe - Photo Ben Fauveau
Cyclo en fond de décor pour la scène des lions au clair de lune éclairée par des arcs, au Zimbabwe
Photo Ben Fauveau

Tyrannique avec lui-même comme il l’était avec les autres mais sa générosité, son courage, sa ténacité, sa fidélité et son imprévisibilité le rendaient attachant, solaire. Il savait séduire et dans cette aventure nous l’aurions suivi jusqu’aux enfers.
Nous avons aimé ses films comme l’homme, disciple parisien de John Cassavetes, et son sourire malin nous poursuivra.

En vignette de cet article, Patrick Grandperret sur le tournage de L’Enfant lion - Photo Jean-Michel Humeau.