"Petit écran et grand écran créent de l’emploi en Ile-de-France"

Par Alain Beuve-Méry

La Lettre AFC n°253

Le Monde, 18 avril 2015
Si Lyon est sans conteste la ville où le cinéma fut inventé par les frères Lumière, l’Ile-de-France est en revanche le berceau de l’industrie cinématographique, des premières usines et des studios, notamment d’animation français, qui ont aujourd’hui le vent en poupe. La région concentre même 90 % de l’activité audiovisuelle et cinématographique française.

Mieux, depuis 2003 et sur dix ans, les entreprises de production audiovisuelle et cinématographique créent de l’emploi. Les effectifs ont grimpé de 14 000 à 19 500, soit un solde positif de plus de 5 000 emplois permanents. En ce qui concerne l’intermittence, une des caractéristiques du secteur, le solde est aussi très largement positif, avec 115 000 emplois créés, soit une progression de 3,3 %.
Ces chiffres sont tirés de l’étude réalisée par Olivier-René Veillon, directeur de la commission du film d’Ile-de-France, à partir des données collectées par la caisse de retraite complémentaire Audiens. Ils ont été présentés, vendredi 17 avril, par l’Observatoire de la production audiovisuelle et cinématographique en Ile-de-France. Le traitement de ces séries longues, qui fourmillent de renseignements, permet de présenter l’activité réelle du secteur.
« La production cinématographique apparaît comme un secteur qui crée régulièrement de l’emploi en Ile-de-France », constate M. Veillon. De fait, un tournage mobilise en moyenne entre 300 et 500 personnes, aux métiers très différents. Le cinéma demeure avant tout une industrie de main-d’œuvre. Et un des atouts du statut de l’intermittence, certes coûteux pour le régime de l’assurance chômage, est d’assurer le maintien de tous ses savoir-faire, très prisés à l’international. « L’industrie cinématographique révèle beaucoup des tares de l’économie française, mais aussi quelques-unes de ses vertus », note M. Veillon.

Les investissements en baisse
Les bons résultats observés pour 2012 et 2013, sont confirmés par les premières estimations de 2014, année marquée notamment par le tournage des deux derniers épisodes du gros succès américain Hunger Games, au château de Voisin et à Noisy-le-Grand, dans les studios de Bry-sur-Marne, ainsi qu’au studio Kremlin, à Ivry-sur-Seine.
La tendance est d’autant plus remarquable que sur la même période en 2013, on assiste à un très fort recul des investissements dans la production audiovisuelle française (– 9,8 %) et dans la production cinématographique française (– 6,5 %), selon les chiffres du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). En 2014, le repli est encore plus marqué avec une baisse historique de 20,2 % des investissements dans le cinéma français : seulement 994,13 millions d’euros pour 258 films produits (12 de moins qu’en 2013).

Le paradoxe entre la hausse de l’emploi et la baisse de la production française s’explique dans une large mesure par une très forte activité de la production internationale sur le sol francilien, que ce soit des tournages indiens, russes voire chinois (+ 35 %). De nombreux pays d’Asie comme les Philippines ou l’Indonésie tournent des séries à Paris, comme Love in Paris, ou en Ile-de-France. Il y a deux villes au statut particulier, reconnues partout dans le monde, qui sont New York et Paris.
Il existe par exemple 2 200 décors accessibles en Ile-de-France, avec de tarifs identifiés et opposables à des tiers. Le château de Versailles et le musée du Louvre demeurent de véritables locomotives. Le jour de fermeture permet en moyenne deux ou trois tournages par mardi, ce qui contribue fortement au rayonnement international de la France. Sort ainsi ces jours-ci sur les écrans japonais, Le Château de la Reine tourné en 2013 à Versailles.

Londres, le concurrent direct
A partir du 1er janvier 2016, l’Ile-de-France, comme le reste de l’Hexagone, devrait aussi bénéficier des conditions plus attractives du crédit d’impôt, qui va passer de 20 % à 30 %. Aujourd’hui, le principal concurrent de Paris est en effet Londres, qui (avec un crédit d’impôt de 25 %) a engrangé 1,8 milliard d’euros sur cinq ans, en raison de la politique énergique de son maire : beaucoup des blockbusters américains se sont détournés de Los Angeles pour rallier la capitale anglaise.
Le second atout de la région Ile-de-France repose sur la reconnaissance du savoir-faire des studios d’animation français. Associée avec Illumination Mac Guff, la major Universal a décidé de faire de Paris sa tête de pont pour les films d’animation. Moi, moche et méchante 2, produit entièrement en France, a battu au box-office Shrek 4 et en générant un milliard de dollars est même devenu le film le plus rentable de la major. Universal a décidé de pousser les feux, en triplant sa production.
Dans le domaine de l’animation 3D, la France jouit d’un savoir faire historique et d’une réputation internationale. Une dizaine de studios 3D français sont de fait mondialement reconnus. Parmi les succès majeurs, il faut noter celui de Mikros Image, en passe de devenir un studio 3D à part entière avec la fabrication du premier Astérix 3D, Le Domaine des dieux.

(Alain Beuve-Méry, supplément "Eco&Entreprises", Le Monde, samedi 18 avril 2015)