Philippe Rousselot, AFC, ASC, parle des "Animaux fantastiques : Les Crimes de Grindelwald", de David Yates
À propos des optiques Leitz ThaliaLes essais sont souvent un cauchemar pour le directeur de la photographie et pour ceux du film Les Crimes de Grindelwald, Philippe Rousselot n’a pas échappé pas à la règle. Faire des essais dans un studio avec des figurants qu’on ne reverra pas, sans décor, sans support, et avec les tâtonnements inévitables des débuts de tournage, conduit à prendre des décisions qui seraient évidemment meilleures… en fin de tournage.
Aussi pourquoi ne pas choisir des optiques selon le simple et absolu critère de la beauté ? Et pourquoi ne pas être les premiers au monde à choisir les Thalia que Leitz vient de sortir ?
Philippe Rousselot avait tourné Les Animaux fantastiques - le premier opus du même réalisateur David Yates - en 35 mm argentique et Scope anamorphique. Dès la sortie du film, il avait été évident qu’il y aurait une suite mais cette fois en caméra numérique 65 mm grand capteur. En effet, la décision de renoncer au 35 mm et à l’anamorphique avait été en grande partie prise du fait qu’en Scope, il y a des aberrations et que les bords de l’image sont moins nets, voire flous. Or Philippe Rousselot avait une envie de précision.
Lors de ces fameux essais, il avait quand même remarqué une première chose qui lui plaisait dans la série Thalia de Leitz : « Ils étaient parfaits sur les bords ». Cette netteté constante des optiques Thalia, bord à bord et aussi en haut et en bas de l’image, lui avait plu d’autant qu’elle suivait pour toutes les focales et toutes les tailles de plan, et rendait les panoramiques parfaits.
Sur le tournage, cela avait permis des décadrages audacieux, de placer des comédiens complètement au bord de l’image et favoriser ainsi la profondeur du décor.
Car Philippe Rousselot - contrairement à une tendance lourde actuelle - aime la profondeur de champ et c’est pourquoi il n’a jamais été un fanatique des grandes ouvertures. Il n’aime pas les flous désordonnés, et apprécie par-dessus tout « le sentiment de réalité de l’image » rejoignant en cela un autre maître de la photographie, grand amateur de Leica également, Henri Cartier-Bresson.
Sur le tournage du film, pour le plus grand confort du premier assistant opérateur, le diaphragme variait entre F:4,5 et F:11, voire même F:16, ce qui fonctionnait aussi à la grande surprise de Philippe Rousselot. Faire le choix d’une grande profondeur de champ signifiait ne pas avantager tel ou tel comédien, privilégier les fabuleux décors des années 1920 du film, et enfin avoir une justesse de l’image qui se rapproche de la peinture. « Je me suis toujours méfié des effets photographiques. »
La deuxième chose que Philippe Rousselot avait remarquée lors des essais et qui lui avait plu était que cette belle netteté qu’il recherchait ne s’appliquait pas au rendu des peaux. « Les Thalia sont piqués, très nets, mais pas durs pour les visages, ils ne sont pas cruels comme peuvent l’être les optiques très définies, et c’est beau au point que je n’ai jamais filtré les gros plans avec des diffuseurs. »
Au tout début de la préparation du film, le réalisateur David Yates avait pris une décision radicale : il n’y aurait pas de zoom. Un choix audacieux qui lui demandait, ainsi qu’à toute l’équipe, de la discipline.
Les Animaux fantastiques : Les Crimes de Grindelwald s’est donc tourné uniquement avec les six optiques Thalia de Leitz disponibles au moment du tournage : les 30 mm, 35 mm, 45 mm, 70 mm, 100 mm et 180 mm.
Le 24 mm, le 55 mm et le 120 mm se sont rajoutés depuis à la série.
Les autres qualités des Thalia n’avaient pas été directement perceptibles lors des essais mais se sont avérées très utiles lors du tournage :
- une distance minimum de mise au point tendanciellement très courte - de 1’4’’ pour le 30 mm à 2’4’’ pour le 70 mm en passant par 2’ pour le 45 mm - qui a beaucoup servi.
- une absence de déformation de l’image pour les courtes focales ; des verticales et des horizontales parfaitement restituées.
- enfin, un « flou qui respecte ce que voit l’œil », un joli bokeh qui n’a pas de déformation géométrique et pas d’aberration dans les hautes lumières.
Cet ensemble de qualités particulières des Thalia a accompagné Philippe Rousselot sur le tournage du film dans sa quête de « l’image juste ».
On n’a pas envie d’imaginer ce qui se serait passé si la déesse grecque Thalia - muse des comédiens et des poètes - n’avait pas été si jolie…
Propos recueillis par Ariane Damain Vergallo pour Leitz Cine Wetzlar
(Lire ou relire l’article consacré aux Animaux fantastiques : Les Crimes de Grindelwald dans la rubrique "Films")