Pierre Lhomme, l’ami de la famille

Par Arthur Cloquet, AFC

par Arthur Cloquet La Lettre AFC n°300

Dans ce petit monde du cinéma, on se connaît tous, enfin presque. Il y a ceux qui ont fréquenté les mêmes écoles, ceux de votre réseau. Il y a ceux avec lesquels on a noué des liens d’amitié, de fidélité. Et puis, beaucoup plus rares, il y a ceux de votre famille.

Pour moi, Pierre était de ces derniers. Depuis bien longtemps, ma famille a noué avec lui des liens de travail, d’amitié, de fidélité et quasiment familiaux, avec mon père Ghislain, ma mère Sophie, mes oncles Etienne et Jean.
Tout jeune, j’entendais mon père parler de, ou avec, Pierre, de tout et de rien. Mais surtout du métier. Les techniques, les matériels, les rapports avec les metteurs en scène, avec les producteurs, avec les acteurs, avec son équipe.
Ils évoquaient l’idée d’une association à l’américaine depuis longtemps. L’AFC est née bien plus tard, et je sais qu’ils y sont pour quelque chose.
L’idée d’une école pluridisciplinaire à la manière de l’école de Lodz. La Fémis est finalement née.

Le METIER
C’était tout pour eux. Il n’y avait pas beaucoup de moments sans lui, le métier. C’était une passion, une forme de sacerdoce, avec ses difficultés, ses contraintes, ses joies.
Pierre, lors de la remise de son second César en 1991 pour Cyrano de Bergerac, a rapporté cette conversation avec mon père qui comparait le cinéma à la Haute Couture.
L’ambition démesurée, sans concession, c’est ça le cinéma pour Pierre. Toujours prompt à défendre la qualité, il se définissait comme un dinosaure luttant contre l’extinction de l’espèce "Cinéma".

Au début, ce n’était pas facile de faire sa place. Pendant des années, il a dû batailler pour vivre de son art, et petit à petit, pouvoir choisir ses projets. Toujours entouré d’une équipe triée sur le volet.
Quand je pense à Pierre, des noms me viennent à l’esprit tant ils sont liés à lui, Pierre Abraham, André Bouladoux, Eric Dumage, Jean-Yves Le Poulain.
Ils sont nombreux à l’avoir côtoyé, ici ou là, Philippe Brun, Jean-César Chiabaut, Gilbert Duhalde, Guy Testa-Rossa, Jacques Renard, Yves Agostini.
A chacun de ces noms des images de tournages m’apparaissent, des sommes de souvenirs d’un temps passé, inoubliable.

Je revois le tournage du Joli mai, Pierre portant le prototype KTM, le câble du son synchrone le reliant à Antoine Bonfanti, et Etienne Becker, batterie à l’épaule, faisant le point. Révolutionnaire à l’époque au point qu’une chaîne de TV en fasse un reportage.
Je revois les immenses draps réflecteurs, sa marque de fabrique, sur Jefferson à Paris, ou une pub avec John Frankenheimer.

Quand on lit la filmographie de Pierre, on ne peut qu’éprouver du respect, avec deux César, un BAFTA, un prix à Cannes.
Que de beaux projets, de longues collaborations avec de grands artistes, Cavalier, Marker, Bresson, Duras, Chéreau, Ivory, et bien sur Rappeneau.
Que de films réussis, qui resteront dans l’histoire du cinéma, L’Armée des ombres, La Maman et la putain, Cyrano, La Chair de l’orchidée, Le Sauvage, Mortelle randonnée, etc.
Il a réussi, ô combien, son parcours ! Il a su maintenir haut son niveau d’exigence.

Comme dans sa maison de Fontvieille qu’il aimait tant, son refuge, son havre de paix, où il retrouvait Renée, dans ce grand jardin qui lui ressemble tant il évoque la résistance pour préserver la nature dans la ville.
Un cerisier, un potager, deux rangs de vigne suffisent à ses besoins, surtout à son plaisir.
Bravo Pierre, pour cette carrière, pour cette vie !

Puisque tu es parti retrouver ton ami, mon père, dis-lui que je pense à lui.
Je t‘embrasse.

Salut, Pierre.