Rapport du Comité technique d’Imago réuni lors du Cinec 2010

par Philippe Ros, AFC

par Philippe Ros La Lettre AFC n°204

La Fédération européenne des directeurs de la photographie Imago compte aujourd’hui 29 associations représentant divers pays d’Europe et 10 associations extra-européennes (voir les associations membres d’Imago).
Un Comité technique au sein d’Imago se réunit périodiquement à l’occasion d’une manifestation ou d’une autre ; Philippe Ros représente l’AFC à ce comité. Il rend compte de façon détaillée de la dernière réunion qui s’est tenue à Munich lors du dernier Cinec.

Etaient présents :
Nigel Walters BSC, (Grande-Bretagne)
Kommer Kleijn, SBC (Belgique)
Joe Dunton, BSC (Grande-Bretagne)
Bastiaan Houtkooper, NSC (Pays-Bas)
Hakan Holmberg, FSF (Suède)
Rolf Coulanges, BVK (Allemagne)
Philippe Ros, AFC (France)

Le Comité technique d'Imago, présidé par Kommer Kleijn (en bleu) - Photo Nigel Walters
Le Comité technique d’Imago, présidé par Kommer Kleijn (en bleu)
Photo Nigel Walters

1 - L’ISO (International Standard Organisation) a adopté les recommandations du " DCI standards " conçu au sein de la SMPTE
DCI (Digital Cinema Initiatives) est le regroupement de six producteurs américains – Disney, Fox, Paramount, Sony Pictures Entertainment, Universal et Warner Bros – et d’experts qui ont établi un cahier des charges commun aux six studios. Muni de ce cahier des charges, et en y ajoutant les desiderata de nombreux autres groupes de l’industrie du cinéma mondial (dont Imago), de nombreux experts ont dessiné au sein de la SMPTE une architecture ouverte pour la distribution et la projection de cinéma numérique en vue d’assurer une uniformité et un haut niveau de performances techniques, de fiabilité et de contrôle de qualité. Pour l’instant, ce groupement s’est seulement intéressé à la projection numérique.
Qu’est-ce que cela veut dire concrètement pour les producteurs, réalisateurs, directeurs de production, nous directeurs de la photo et aussi pour les… acteurs ?

Un début de normalisation de la chaîne de cinéma numérique s’est amorcé, même si l’on a effectivement commencé par la fin en régulant la distribution et la projection des images. Ce qui permettra, et c’est une occasion choisie, d’arrêter de projeter des images sans aucune norme et sans aucun respect des choix esthétiques des principaux acteurs de la fabrication d’un film.
Toutes les salles numériques actuelles, y compris la cabine de La fémis, sont maintenant équipées pour travailler dans ce standard, appelé Standard cinéma numérique ISO ou parfois aussi appelé standard DCP (pour Digital Cinema Package, le format de fichier de projection).
Le DCP est l’ensemble des fichiers que l’on apporte à la salle de cinéma pour la projection. Il est important de souligner que l’on ne doit pas appeler ce standard " DCI ", car DCI n’a pas rédigé de norme (uniquement un cahier de charges) et que de très nombreuses personnes en dehors du DCI (dont entre autres Imago) ont également contribué au standard ISO. _ Nommer le standard actuel " DCI " revient à nier les contributions des autres acteurs de ce standard.

Un des éléments importants de la norme ISO est qu’il n’y aura plus d’ajustements possibles pour modifier la brillance, le contraste et la saturation sur les projecteurs. Ces réglages sont maintenant fixés au moment de l’étalonnage et ne pourront pas être modifiés en cabine de projection.
D-Cinema est parfaitement calibré.
E-Cinema utilise des projecteurs vidéo pour projeter des images sur grand écran.
E-Cinema, n’étant pas calibré, doit être combattu et donc être évité à tout prix. Ceci est très important car il y a un mouvement en ce moment de fabricants et vendeurs de ce matériel qui tentent de le vendre aux salles d’art et d’essai. Il est essentiel de faire entendre notre voix pour dire que nous ne pouvons pas accepter cela en tant que chefs op’.
Les projecteurs E-Cinema n’étant ni calibrés ni protégés contre les modifications d’images, ils ne pourront pas respecter notre travail. Il n’y a aucune raison que notre travail ne soit pas présenté comme voulu par les créateurs du film, y compris (justement ?) dans les salles d’art et d’essai.

2 – Demande de Cine Gear
Nigel Walters, BSC, nous a informés de la demande de Cine Gear de participer en tant qu’Imago à un nouveau salon (Cine Gear West Coast) organisé à New York. Quel est l’enjeu ?
Cine Gear Expo est le salon le plus important pour le cinéma à Los Angeles. Il est d’une certaine manière (toute proportion gardée) ce que pourrait représenter sur la côte Est le Micro Salon en France ou le Cinec en Allemagne par rapport à l’IBC à Amsterdam. Un salon à taille humaine où le commerce n’est certes pas absent mais où une " famille " du cinéma se représente, s’expose et finalement donne une certaine énergie au métier et donc une impulsion positive à nos films, nous directeurs photo, et aux films que nous devons faire.
Je pense personnellement qu’il faut soutenir une telle initiative car ce sera non seulement une présence des directeurs photo mais aussi une présence du cinéma européen dans un lieu important pour relier les deux cinémas.

3 - Election du président
A l’unanimité : Kommer Kleijn
Election du secrétaire : il semble qu’il n’y a pas vraiment besoin d’avoir un secrétaire mais plutôt une personne qui prend les notes.

4 – Nouvelles cadences pour le cinéma numérique : 16 - 18 - 20 - 22 - 25 - 60 i/s
Imago, avec la FIAF (Fédération internationale des archives du film), au sein de la SMPTE, a développé une technique et un standard qui permettront bientôt de projeter, grâce au cinéma numérique, des archives et des films muets au plus près de leur cadence d’origine. Pour des raisons techniques, certaines cadences (18 et 22 i/s) ne seront pas représentées par un nombre entier.
Les nouvelles vitesses vont être :
16 i/s
18 i/s : approximativement (exactement : 200/11, soit 18,181818)
20 i/s
22 i/s : approximativement (exactement : 240/11, soit 21,8282828)

On s’attend à ce que ces nouvelles vitesses soient mises en service dans les musées du cinéma et les écoles de cinéma. Le but de ce standard est que des archives de films puissent faire des copies numériques de leurs archives et que ces copies soient échangeables (compatibles) entre archives à travers le monde.
En 2009, la même commission, à l’initiative d’Imago, avait déjà fait normaliser deux nouvelles vitesses de projection (25 et 60 i/s) en plus des vitesses de base de 24 et de 48 i/s.
Ce standard de cadences additionnelles a maintenant été présenté par la SMPTE à ISO pour une normalisation internationale.
Les nouvelles vitesses de 25 et 60 i/s sont maintenant adoptées par 80 % des salles équipées en numérique (en grande partie grâce à Doremi et Texas Instruments). Ainsi, en doublant ou triplant des images, les archives tournées à 16 ou 20 i/s seront accessibles dans tous les salles numériques (commerciales et musées).

C’est une excellente nouvelle pour les films muets ; nous allons avoir bientôt la chance de voir ces films à leur cadence d’origine. Comme Joe Dunton, BSC, le soulignait, donner au public ces cadences est un vrai cadeau mais aussi un respect de l’œuvre originale.
Nous avons été très longtemps habitués à voir des archives et des films muets de façon saccadée avec des personnages sautillants. Mais, la contrepartie de cette bonne nouvelle est évidemment qu’il faudra refaire les bandes son musicales enregistrées à la mauvaise vitesse.
Joe Dunton propose de tourner et de projeter un film au Royaume-Uni à 60 i/s, et/ou de transférer des courts métrages Showscan en copie numérique 60 i/s.
Joe a pensé aussi à un système de projection qui reproduirait des " Super DPX 16 bits floating CIE speed ramping ".

5 – Nouveau format Super DPX 16 bits floating CIE
Le Comité technique d’Imago envisage de développer un format de fichier normalisé pour transmettre les images caméra à la postproduction numérique de façon standardisée. Ceci afin de récupérer la fonctionnalité du négatif développé que l’on pouvait présenter partout de façon standardisée. Les fabricants de caméra peuvent soit fabriquer le format dans la caméra ou bien fournir de quoi transformer leurs images dans le format standardisé. Le but est de toujours présenter un format standardisé à la postprod et aussi à l’archivage.

- Nécessité de normalisation et d’améliorations des formats d’entrée en postproduction
- Besoin de quelque chose qui remplace le négatif
- Besoin de métadata réellement efficaces (comprenant la signature d’un opérateur)
Un exemple : le DPX actuel ne peut reproduire aujourd’hui toute la gamme de contraste de la Vision3 ni l’espace couleur de certaines nouvelles caméras numériques.
Quatre formats sont en compétition :
- DNG d’Adobe
- OPEN EXR d’ILM
- IIFF (Image Interchange File Format) avec ACES (Academy Color Encoding Space) d’AMPAS (Academy of Motion Picture Arts & Sciences)
- Super DPX

Super DPX
Super DPX


Super DPX proposé : 16 bits linéaire floating point, ACES comme espace couleur (Academy Color Encoding System), compression JPEG 2000 à ondelettes, métadata.
Pas d’espace couleur x, y, z (pas très ami avec les ordinateurs)
DPX actuellement en postproduction : le DPX CINEON RGB 10 Bits Log est juste une enveloppe qui représente la densité du négatif film.
Pour rester dans l’idée d’une standardisation mais aussi d’une ouverture, proposition a été faite, à ce moment de la réunion, d’avoir sur les nouvelles caméras numériques un fichier standardisé ouvert pour le futur. Ce qui signifie pas de systèmes propriétaires fermés.
Il est indispensable de garder le contrôle de la technologie à travers des structures ouvertes, que ce soit pour la création de LUT’s, de courbes de Gamma ou de tout ajustement nécessaire au réglage de l’image. Il faut aussi penser à l’avenir, lorsque la projection 35 mm ne sera plus prépondérante et qu’un espace de créativité très important va voir le jour à travers une chaîne de postproduction entièrement numérique.
L’un des rêves de Joe Dunton : la conception d’une caméra avec 4 capteurs : RVB et Y. Un retour du Technicolor dans le numérique à venir !

6 - Imago : Prix de la prise de vues virtuelle
"Virtual Cinematography Awards "
Question : Est-ce que l’on peut décerner un prix à l’opérateur d’un film fait en CGI ?
Réponse : Ce n’est pas du ressort du Comité technique.

7 - Imago : Atelier 3D
Question : Imago peut-il organiser un atelier sur la 3D ?
Réponse : Suggestion d’envoyer cette requête au Comité d’Imago Master Class.

8 – Place du stéréographe dans l’équipe technique d’un film
Il doit être au service du réalisateur et du directeur de la photographie.
Sa place dans la hiérarchie : en premier, le réalisateur ; en second, le directeur de la photo ; en troisième, le stéréographe.
Recommandation : il est évident qu’il faut anticiper sa présence dés le début de la préproduction.

9 – Fonction du DIT (technicien de l’image numérique ou ingénieur de la vision)
- Collabore avec le directeur de la photographie et l’assiste
- Prépare et planifie la chaîne numérique
- Teste la qualité des contenus
Une description du rôle du DIT a été faite par la BVK et a été envoyé à tous les membres. (Voir pièce jointe)

10 – Qu’en est-il de la gestion des données (Data Management) et des techniciens (nouveaux) qui s’en occupent ?
Il existe actuellement (surtout aux USA en en Grande-Bretagne) des :
- Data Wranglers
- Data Archiving Supervisors or Managers
Le Comité technique d’Imago ouvre le débat sur :
- Les migrations : la création des " Back Up "
- La sécurité
- Le contrôle des contenus.

Le problème se pose de façon aiguë de savoir ce qu’il faut contrôler, les cartes, les disques ou les " back up " ou transferts qui deviennent, de fait, les nouveaux originaux. Qui est en charge de ce transfert ? Quand, comment et où cette opération doit-elle être effectuée ? Il est intéressant de noter qu’Aaton, avec le magasin numérique de sa Penelope, pense sérieusement à des cartouches enregistrant sur SSD qui resteraient tout au long du tournage et ne seraient jamais effacées. La cartouche deviendrait en fait un " négatif original " (aucune idée de prix pour l’instant).

Le Comité technique d’Imago souligne l’importance de la différence qui doit être faite entre le QC (Quality Control) et le contrôle de Laboratoire.
Le QC n’est qu’une opération servant à vérifier que toutes les données ont bien été transférées d’un point à un autre (" checksum control "). Le contrôle de Laboratoire doit fournir des informations sur les défauts d’enregistrement mais aussi sur l’exposition, le point, la perche…
Si l’on transfère une image floue, ça restera toujours une image floue.

Une longue discussion a commencé sur l’Alexa qui a créé l’événement partout dans le monde. Il est facile de deviner que le futur sera principalement fait d’enregistrements sur fichiers mais un sérieux manque, non seulement de normalisation mais aussi de culture, existe quant à la gestion de ces fichiers.
Arri a déjà compris l’importance de cette gestion des datas et propose plusieurs options à travers d’autres sociétés (Color Front, Marvin).
On rencontre toujours un problème lorsque l’on tourne en étant éloigné d’un laboratoire (étranger, provinces) ; pour l’instant, il y a peu de systèmes de " data management " légers et sûrs. L’enregistrement sur cassettes est en passe de disparaitre totalement dans certains pays où chacun élabore des systèmes " maison " pour pallier l’absence de " data management " standardisé.

La Hollande n’a plus de laboratoire film capable de traiter le négatif (à vérifier). Il y a en fait une sous-estimation de la gestion des datas. On se trouve face à un nombre grandissant de pays où des directeurs de production demandent à des seconds assistants caméra de faire le travail d’un " data manager " sans en avoir ni l’attribution ni l’expérience ni la compétence. De sérieux problèmes de sinistres ont déjà eu lieu un peu partout dans le monde.

11 – Création d’un Comité technique dans chaque association
Imago suggère la création d’un Comité technique dans chaque association européenne de directeurs de la photo.

12 – Imago Métadatas
La SMPTE souhaite connaître notre position sur le RP 2-10 (nom de terrain) qui est un lourd fichier de datas décrivant les noms de terrain de chaque métadata.
Imago ne prend pas position pour l’instant sur le RP 2-10.

13 – Problème des écrans métallisés pour la 3D (Silver Screens)
Imago regrette la présence de plus en plus nombreuse d’écrans métallisés utilisés pour la 3D dans des salles et encourage par ailleurs fermement les propriétaires de cinémas à s’équiper avec des écrans de ce genre, enroulables quand cela est possible. Le Comité technique d’Imago observe que la plupart des projections 3D sont très sombres. Nous comprenons les raisons mais en déplorons les effets. Les choix artistiques des cinéastes et des directeurs photo ne sont pas respectés.

14 - Alternative content
Ce n’est pas au Comité technique d’Imago d’être impliqué dans ce dossier.

15 - E-Cinema
Imago insiste sur l’utilisation de chaînes calibrées et des normes ISO pour obtenir une image de qualité.

16 - Proposition de normalisation des formats des LUT
Des recherches doivent être faites.

17 – Prochaine réunion du Comité technique
Prévenir les associations et les membres du Bureau lorsque sont prises les décisions de lieu et de date des réunions. Prochaine réunion certainement possible lors du prochain Micro Salon (un jour avant ou un jour après), ou lors du BSC Equipement Show qui suit juste après.

18 - Prochaine réunion téléphonique du Comité technique
Réunion prévue mi-décembre.