Rencontre avec Didier Diaz à propos de la reprise de Bry-sur-Marne

AFC newsletter n°254

Pendant le 68e Festival de Cannes, l’hebdomadaire Le film français a publié, dans son numéro quotidien du mardi 19 mai 2015, une "rencontre-entretien" avec Didier Diaz, président du groupe Transpa, à propos de la reprise d’une partie du site des studios de Bry-sur-Marne. Nous reproduisons ici des extraits de cet entretien, avec l’aimable autorisation du Film français et de son auteur.

Le groupe Transpa, qui a repris les studios de Bry-sur-Marne depuis le 15 avril, devrait rapidement y faire des aménagements nouveaux. Mais la hausse des délocalisations menace durement l’activité de cet outil exceptionnel.

Dans quelles circonstances vous êtes-vous décidé à présenter votre offre de reprise de Bry-sur-Marne ?
D’un point de vue historique, le site des studios de Bry-sur-Marne était géré par Euro Media qui avait choisi de le vendre mi-2013 au promoteur immobilier Nemoa. A la suite de cette vente il a semblé évident à beaucoup de gens de la profession que ce groupe avait en tête un projet immobilier qui passait d’abord par un permis de démolition des studios avant d’obtenir un permis de construire. Le site est réparti sur les territoires de deux communes : Villiers-sur-Marne et Bry-sur-Marne.
Or la commune de Villiers, où se trouve toute la partie consacrée aux plateaux, a refusé le permis de démolir. Parallèlement une campagne a été lancée sur le thème : "Il faut sauver les studios de Bry-sur-Marne".

Je connais depuis longtemps Pascal Bécu, qui les gérait alors. C’est un grand professionnel, le meilleur du secteur. J’ai commencé à étudier le dossier avec lui en me disant qu’il y avait peut-être quelque chose à faire. La situation était assez complexe car, durant la même période, Transpalux sortait du groupe Euro Media pour reprendre son indépendance. J’en ai discuté directement avec eux et ils m’ont laissé libre de faire une proposition à Nemoa afin de continuer à exploiter une partie du site, celle qui ne pouvait être démolie. Nous avons bien réfléchi, élaboré plusieurs business plans et nous avons repris Bry-sur-Marne.

Votre bail a pris effet le 15 avril pour six ans…
C’est une durée que j’espère renouvelable. Le propriétaire se garde le droit de voir comment cela va évoluer. Nous avons par ailleurs d’autres idées, que je ne peux dévoiler aujourd’hui, mais dont on reparlera ultérieurement. Il faut bien avoir à l’esprit que Nemoa a des contraintes financières très importantes. Le loyer a donc augmenté d’une façon considérable.

Allez-vous pouvoir trouver un équilibre financier ?
Sur le plan économique, ce n’est pas simple. Au vu des loyers, soyons honnêtes, les studios ne vont pas tout de suite rapporter beaucoup d’argent. En revanche, c’est un outil assez incroyable et très complémentaire des activités du groupe Transpa. Donc naturellement, nous allons bénéficier d’un effet de halo en termes de business qui va profiter à nos activités de location de lumière, énergie, caméra et machinerie.
Par ailleurs, je n’oublie pas que nous avons été très soutenus par les associations de chef décorateurs, de chefs constructeurs ou de directeurs de production. J’ai reçu également beaucoup de messages de réalisateurs. Il y a eu une forme de solidarité formidable qui m’a fait chaud au cœur, notamment par rapport à toutes ces personnes qui me suivent depuis de nombreuses années à travers l’activité de Transpalux, une entreprise créé par mon père en 1950 que j’ai reprise à bras le corps 20 ans plus tard. […]

C’est vraiment un outil exceptionnel, notamment grâce à son "backlot" ?
Il y a de la place et tout est parfaitement conçu. On a notamment une menuiserie et une serrurerie qui sont magnifiques. En revanche, nous allons devoir retravailler entièrement le "backlot". Il est la depuis les origines et tout le monde le bricole depuis 20 ou 25 ans. Il est donc dans un drôle d’état, adossé en outre à des échafaudages qu’il faut impérativement changer.
Je vais demander un peu d’aide à nos amis décorateurs pour rénover tout l’ensemble. Et comme il n’y en a qu’un en France, on va essayer de l’améliorer et de l’agrandir, notamment en créant une perspective de carrefour. Cette démarche a été grandement facilitée par le bailleur qui s’est engagé à entreprendre de nombreux travaux de rénovation à partir de mi-avril.

Par rapport aux studios de Paris, dont vous avez été le président, il y a concurrence ou complémentarité ?
Complémentarité, forcément. D’abord parce que ce ne sont pas du tout les mêmes outils. Le site de Bry dispose de huit plateaux, de 290 m2 à 1 085 m², contre neuf à la Cité du Cinéma. Si les grands plateaux sont à La Plaine-Saint-Denis, Bry possède plus d’ateliers de fabrication.

Mais s’il est difficilement rentable, sauver un tel outil était vraiment indispensable ?
Oui parce qu’on se bat pour avoir des crédits d’impôt. Nous aurons certainement les fameux 30 % à partir de janvier. J’espère simplement que ce ne sera pas obsolète par rapport aux mesures adoptées entre-temps ailleurs. Je crains qu’on ait deux ans de retard sur beaucoup d’autres pays. Si l’on regarde le Canada, par exemple, ils vont arriver à près de 50 % de "tax shelter" sur un film. Mais surtout on ne peut pas avoir un crédit d’impôt, qui peut être attractif à un moment où un autre, sans avoir les outils qui vont avec, c’est à dire des studios. C’est dans cet esprit la qu’on a fait cette reprise. [...]

(Propos recueillis par Patrice Carré, Le film français,19 mai 2015)