Retour des états généraux du documentaire à Lussas : Pierre Lhomme et la caméra prototype KTM

Par Jimmy Glasberg, AFC

par Jimmy Glasberg La Lettre AFC n°256

Le village de Lussas reste égal à lui-même malgré la crise de la production de documentaires. Bistrots remplis, casting hétéroclite, diversifié mais passionné. Les séminaires, ateliers, projections et discussions sont toujours aussi fréquentés et animés. 
Bravo pour cette belle réussite qui doit continuer à être soutenue par le gouvernement.

Dans le cadre d’un séminaire intitulé " Mutations du cinéma ", j’ai découvert un document très intéressant. Il s’agit d’un court métrage produit par le service de la recherche de la RTF, dirigé à l’époque par Pierre Schaeffer. Ce film, réalisé par Mario Ruspoli, avait pour but de former les cameramen de studio de la télévision au filmage avec la caméra portée et le son synchrone. Pierre Lhomme, Antoine Bonfanti et Etienne Becker, en tournage dans un village de la Lozère, sont les acteurs de ce document. Ils avaient été choisis car ils venaient de tourner Le Joli mai, avec Chris Marker, au moyen du dispositif technique expérimental suivant : Pierre porte la caméra prototype KTM (1) sur l’épaule, Antoine enregistre sur son Perfectone à bande qu’il porte sur le ventre et une perchette à bout de bras, Etienne assiste Pierre avec la main sur la bague de point. Un joli ballet très harmonieux malgré un équipement lourd et précaire. On les voit tous les trois harnachés courir derrière un groupe d’enfants espiègles dans une rue du village, puis évoluer dans un marché paysan au milieu de personnages typiques…

Sur le tournage du "Joli mai", de Chris Marker - Au centre de face et de gauche à droite : Antoine Bonfanti, Etienne Becker et, KTM à l'épaule, Pierre Lhomme – Photo Chris Marker
Sur le tournage du "Joli mai", de Chris Marker
Au centre de face et de gauche à droite : Antoine Bonfanti, Etienne Becker et, KTM à l’épaule, Pierre Lhomme – Photo Chris Marker

J’ai été très ému de découvrir ce document. Notre génération de filmeurs caméra à l’épaule s’est imposée par ce style de prises de vues qui a bouleversé l’écriture cinématographique. Nous avons tous eu un énorme plaisir à évoluer caméra sur l’épaule en toute liberté en improvisant de longs plans séquences synchrones. L’acte de filmer a pris alors un autre sens et une autre dimension. Je souhaite rendre ici un hommage aux pionniers de cette belle révolution technique et particulièrement à Pierre et à sa belle équipe.

(1) Le prototype KTM et le Caméflex sont les ancêtres de la caméra fabriquée dès 1963 chez Eclair par Messieurs Coutant et Mathot : l’Eclair 16. Ce fût la première caméra auto-silencieuse portable synchrone avec un magnétophone à bande. Technique du double bande synchrone. L’Eclair 16 va avoir un énorme succès mondial. Ensuite, Jean-Pierre Beauviala mettra au point un moteur quartzé pour la synchronisation sans fil.
L’Eclair 16 va devenir, au début des années soixante-dix, la caméra du cinéma direct…




En vignette de cet article, Etienne Becker et Pierre Lhomme à Marvejols – DR