Retour sur la cérémonie d’ouverture du 32^e Camerimage

Traditionnellement, le film d’ouverture est accompagné par ses stars (réalisateur·ice·s, comédien·ne·s, chef·fe·s opérateur·ice·s, etc.), souvent récompensé·e·s en amont par des prix spéciaux, et systématiquement convié·e·s en aval à une séance de Q&R avec l’audience. Mais cette année, le réalisateur Steve McQueen ayant annoncé quelques jours plus tôt ne plus désirer participer au festival, le film a été présenté seul, et les raisons du retrait de M. McQueen ont pesé sur la soirée. Cependant, le contenu de la cérémonie a contourné pudiquement les sujets polémiques qui agitent le festival depuis plusieurs jours, en commençant par réduire drastiquement sa longueur, celle-ci n’ayant duré qu’un peu plus d’une heure (contre deux l’année passée). Les invité·e·s au micro ont été peu nombreux·ses et beaucoup des événements organisés cette année n’ont pas même été évoqués : ni les rétrospectives de Gianfranco Rosi et de Ed Lachman, ASC, ni les présentations des sociétés Searchlight Pictures et WFO Film Studio ni la nouvelle catégorie Artistic Experiments, sans parler bien évidemment du programme The Year of Brave Women, initialement porté par Women in Cineatography. Les prix spéciaux remis ont également été bien moins nombreux que les années précédentes.

La cérémonie s’est ouverte par les remerciements vidéo de Marina Abramović, qui reçoit le prix spécial pour ses accomplissements artistiques. Elle en a profité pour s’enthousiasmer que de plus en plus de femmes participent au festival et encourager ce dernier à continuer ses efforts pour favoriser plus d’inclusivité et permettre aux femmes de montrer leurs films.
Très grave, Marek Żydowicz a pris la parole suite à cette brève vidéo. En félicitant Marina Abramović pour son prix et son travail, il précise avoir voulu lui remettre ce prix car il « a réalisé que ce festival doit donner de la visibilité aux artistes qui ne sont pas apprécié·e·s à leur juste valeur ». Il insiste également sur la nécessité de la communauté de l’industrie cinématographique à rester soudée pour créer ensemble des images inspirantes et un message de paix. Sans la nommer, on sent derrière ces paroles la crainte du directeur du festival de voir, après la désertion de Steve McQueen et le retrait de la compétition par Coralie Fargeat de son film The Substance, de nouveaux effets à la polémique qui a suivi ses propos sexistes publiés dans Cinematography World. Il finit par sortir son discours de ce terrain glissant en proposant une belle métaphore : « Je vois le festival comme un carnaval, chaque film est un couple dansant, un couple formé entre le scénario et les images. Et le jury aura la tâche ardue de déterminer quel est le plus beau couple de danseurs ». Il invite ensuite Kazimierz Suwała à le rejoindre sur scène pour évoquer le projet du European Film Center en construction et saluer le travail des presque 600 personnes qui travaillent tout au long de l’année pour le festival.

Après les traditionnels discours du maire de Toruń et du "maréchal" de la région, Krzysztof Zanussi s’est vu remettre le Lifetime Achievment Award. « Je me sens comme un vieux sapin de Noël qui perd déjà ses épines mais sur lequel on continue d’accrocher des décorations », ironise-t-il. « En vieillissant, on devrait devenir plus sage et indifférent aux gratifications. Mais pour moi, c’est l’inverse, c’est de plus en plus précieux de me sentir apprécié, c’est pourquoi ce prix me touche autant. »

Depuis plusieurs années, Camerimage remet également des prix spéciaux à des commédien·ne·s. Cette année pour la première fois, le comédien à l’honneur est récompensé pour sa performance dans une série, preuve de l’intérêt grandissant du festival et du grand public pour ce média en pleine expansion. Hiroyuki Sanada, acteur principal de la série "Shogun" (également nommée dans la catégorie Séries télévisées), profite de la remise de ce prix pour remercier l’ensemble de l’équipe technique du film : « Si j’ai ce prix, c’est grâce à toute l’équipe et au casting. Je partage cet honneur avec chacun·e d’entre eux ».