Saint-Jacques... La Mecque

Après des essais comparatifs entre (presque) tous les formats existants, le choix se porte sur la HD, (nous ne l’avons pas regretté) et sur la caméra Sony 750 qui apparaît mieux adaptée aux conditions du tournage.

C’est-à-dire légèreté et mobilité du matériel, pas de sophistication, pas d’usine à gaz, une caméra et un petit moniteur Astro avec oscillo intégré pour vérifier les paramètres de l’image en tout lieu et en tout temps.

L’enjeu du film est simple, relier le Puy-en-Velay à Saint-Jacques de Compostelle, le chemin du pèlerinage, soit 1 600 km avec quelques détours imposés par le scénario. Beaucoup de trajets à pied, dans des décors grandioses mais difficiles à atteindre et souvent situés dans des parcs naturels où les véhicules à moteur sont interdits et les chemins impraticables. Heureusement quelques ânes bâtés nous ont aidés à charrier le matériel. Pas de valises, que des sacs compacts, des sacs à dos pour la plupart, le conditionnement du matériel était presque plus important que le matériel lui-même, réduit à sa plus simple expression. Tournage de dix semaines à deux caméras, l’une sur un Steadicam magistralement tenu par Benoît Theunyssen, tandis qu’avec l’autre je tentais de " faire des plans " qui matchent avec, le plus difficile étant de ne pas cadrer le Steadicam en action.
Lumières simples et souvent réduites, que des petites sources et quelques toiles réfléchissantes. Souvent les décors ne possédaient pas l’électricité et il était inenvisageable d’y amener un groupe, il fallait jongler avec des écrans et quelques lampes sur batteries.

Bref le tournage fut une vraie aventure. Chaude ambiance au sein de l’équipe entre les neuf acteurs (Muriel Robin, Jean-Pierre Daroussin, Pascal Légitimus et une brochette de jeunes acteurs très doués). Après dix semaines de trajets à pied et en voiture (plus fatigants que la marche), lorsque nous avons atteint Saint-Jacques de Compostelle, l’équipe était aussi heureuse et aussi fière que les vrais pèlerins arrivés au bout du chemin.
Restait à tirer les leçons de l’aventure sur un plan plus technique... et esthétique : la HD est un outil formidable mais qui nécessite une vigilance et une exigence de tous les instants. Au cours d’essais assez longs, Alain Martinache avait réglé (avec les assistants Nicolas Pernot et Lucas Bernard) les caméras et adapté courbes et menus exactement selon nos besoins et nos choix esthétiques.

Postproduction chez Eclair, nous nous sommes partagé la tâche, Coline Serreau et moi, Aude Humblet a étalonné sur le Lustre. On s’est vite aperçu après quelques atermoiements que le tirage de l’inter ne laissait qu’une infime marge de manœuvre, on bascule dangereusement dans un excès de contraste qui salit l’image et passe facilement pour une perte de définition. Mais après avoir opté pour un inter sur Fuji et un sous-développement, tout s’est arrangé. On a " shooté " d’après l’élément numérique. L’image est " musclée et vigoureuse " comme le demandaient la réalisatrice, le sujet et les décors ; elle ne cherche pas à copier ce rendu du négatif de prise de vues 35 mm qui suscite tant de nostalgies, elle génère des contrastes et des couleurs qui lui sont propres et j’espère que les spectateurs partageront cet avis après que le film les aura fait rire et pleurer.