Sevil Fest 2023, 4e "Sevil International Women’s Documentary Film Festival", Bakou (Azerbaïdjan)
Par Agnès Godard, AFCCe festival est entièrement géré par un groupe de jeunes femmes, principalement azerbaïdjanaises. Elles ne bénéficient d’aucune subvention gouvernementale et n’ont pas le droit d’obtenir des fonds de l’étranger. En dépit de ces restrictions, elles arrivent à organiser ce festival qui, vous l’aurez compris, est en quelque sorte un festival "underground". Sur place, il est dit « officiellement accepté - non-officiellement reconnu ».
L’ambassadrice de France à Bakou et son attaché culturel ont assisté à la cérémonie d’ouverture. Prenant la parole, elle a clairement signifié le soutien français pour la cause féminine avec le projet, l’an prochain, d’un apport financier. L’ambassade du Royaume-Uni, partenaire elle, était présente également.


Le festival prend place dans trois villes différentes. Je ne pouvais aller ni à Shaki ni à Lankaran trop éloignées, j’ai résidé à Bakou.
Il est l’expression d’une énergie et d’une résistance incroyables.
Les projections avaient lieu soit dans une salle de projection de l’Hôtel Landmark, partenaire,
soit au Saalam Cinema. Ce dernier lieu est un très vieux bâtiment, à l’origine lieu de prières (la confession reste imprécise) devenu ensuite le siège d’une radio libre. Il était destiné à la destruction mais des manifestations ont obtenu sa conservation.
Les projections dans ce lieu respirent la clandestinité.



J’ai participé à une rencontre avec le public à partir d’extraits de films. J’avais demandé de privilégier les échanges avec le public composé pour moitié d’aspirants ou jeunes cinéastes.
Il y a eu beaucoup de questions : la séance a duré trois heures au lieu de deux. C’était émouvant de mesurer le monde qui sépare nos vies de la leur.
Les films proposés sont avant tout des films d’engagement politique. Ils sont des témoignages de femmes à la frontière du documentaire et de la fiction parfois.
Transparaît surtout la nécessité d’impressionner ces images pour qu’elles existent et circulent.
Parfois clairement effectuées clandestinement, le risque laisse peu de place à la recherche cinématographique. Cette réflexion serait totalement déplacée si je n’ajoutais pas que la volonté et le courage de mener à terme ces documentaires et de pouvoir les montrer emportent le tout avec force et émotion.
Je suis repartie le matin où la guerre au Haut-Karabakh a repris. En réponse à mes questions sur ce sujet il m’avait été répondu qu’elle était attendue en octobre…
La principale organisatrice me disait (elle a 30 ans) : « Quand j’étais plus jeune, j’avais plus d’énergie, maintenant je ressens la fatigue de la colère devant les barrières de cette dictature ».