Silverchrome

par Jean-Noël Ferragut

Où l’on sera amené, du coq à l’âne, et sans fil ni aiguille, à parler de nouveau du problème que pose l’installation d’écrans métallisés due au " retour " en salles du cinéma en relief (3D) et de son " développement " annoncé.

Avant d’aborder ce sujet, signalons que l’on trouve en ce moment sur Internet, à ce qu’il paraît, des offres d’emploi dans lesquelles de petits plaisantins s’amusent à proposer aux hommes politiques n’étant plus en odeur de sainteté leur service comme, par exemple, " Tourneur de page "... On imagine sans peine une variante du genre " Finisseur d’époque " !

A propos, c’est bien de la fin d’une époque qu’il s’agit avec la récente annonce par Eastman Kodak de l’arrêt définitif de la fabrication et de la commercialisation de son " film-culte ", l’ô combien mythique Kodachrome !

Mis au point pour le cinéma en1935 par deux chercheurs et musiciens américains, Leopold Godowsky Jr et Leopold Mannes, ce film restera par bien des aspects un exemple de fidélité dans le domaine de la reproduction : la finesse de son grain, un grand pouvoir de résolution, un rendu très particulier des contrastes, des couleurs et de leur saturation, ainsi que d’excellentes qualités de conservation.

Leopold Godowsky, Jr. (left), and Leopold Mannes, - Leopold Godowsky Jr et Leopold Mannes
Leopold Godowsky, Jr. (left), and Leopold Mannes,
Leopold Godowsky Jr et Leopold Mannes


Le Kodachrome demeurera longtemps gravé dans la mémoire de certains d’entre nous comme LA référence au moment d’en venir au travail artistique de bon nombre de nos images de film.

spira - Support inversible Kodachrome en 1939. Collection Spira<br class='manualbr' /><a href="http://www.spira.com/" class="spip_url spip_out auto" rel="nofollow external">http://www.spira.com/</a>
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Support inversible Kodachrome en 1939. Collection Spira
http://www.spira.com/
kodachrome_1935 - Boîtes de film Kodachrome
kodachrome_1935
Boîtes de film Kodachrome
Boîtes de film Kodachrome
  • Lors de la réunion du département Image de la CST qui s’est tenue mardi 16 juin dernier, et à laquelle l’AFC était conviée (2 % de présents...), une projection numérique d’images a été effectuée sur un écran partagé verticalement en deux : sur une moitié l’écran traditionnel " blanc " et sur l’autre moitié un écran métallisé, appelé aussi " écran silver ". Présentés par Alain Besse, responsable du secteur Diffusion de la CST, et Rip O’Neil, responsable du secteur Recherche et Développement, étaient projetés des mires blanches et des extraits de films.

    Le constat est édifiant (et alarmant) quant à l’uniformité de l’étal de la luminance renvoyée par les deux " moitiés " d’écran ou, pour être plus précis, quant au manque d’uniformité avéré de l’étal de l’écran " silver " suivant l’angle sous lequel le spectateur est placé pour le regarder.

    Chiffres à l’appui, la perte de luminance, qui varie entre 0 et 10-15 % quand on s’écarte d’environ 45° (sièges latéraux d’une salle de projection) de l’axe de projection (sièges centraux) pour un écran " blanc ", peut varier jusqu’à environ 60 % pour le même écartement dans le cas d’un écran " silver ".

    Cette perte est évidemment également sensible suivant la hauteur à laquelle le spectateur se trouve par rapport à l’écran (parterre ou balcons) et à l’axe de projection (hauteur de la cabine).

    Petit rappel. Il existe trois procédés de projection en relief :

    - Deux procédés sur écran traditionnel " blanc ", en utilisant des lunettes " actives " (dont les coûts de revient, d’entretien et de manipulation sont relativement élevés pour l’exploitant) et une lanterne de projection dont le brûleur doit être renforcé (procédés Xpand et Dolby) – Pour ce dernier, par exemple, une lampe de 7 kW est nécessaire pour un écran d’environ 10-12 mètres de base, sachant qu’il faut revenir à 2 kW pour projeter des films 2D)

    - Un procédé sur écran métallisé argent (un investissement pour l’exploitant), mais en utilisant des lunettes " passives " polarisantes et jetables dont le coût est modéré (procédé RealD).

    Pour des raisons économiques évidentes, c’est apparemment ce dernier procédé qui a été largement retenu aux Etats-Unis, et le circuit CGR a commencé à l’implanter en France en annonçant d’autres installations à l’avenir. Ces écrans sont en train d’être installés dans bon nombre de pays européens.

    Au défaut de manque d’étal de luminance d’un écran métallisé s’ajoute le fait que son revêtement étant assez fragile, une fois installé par l’exploitant, il est difficile, sinon impossible, de revenir à un écran "blanc" pour projeter les films dits " 2D " (cinéma " classique " non en trois dimensions). Ce qui veut dire que dans les salles équipées de ce genre d’écran (ou qui vont l’être), tous les films 2D sont (ou seront) exploités dans les conditions de vision de l’image projetée citées plus haut.

    De nombreux exploitants français se posent encore aujourd’hui des questions en attendant de se déterminer dans leur choix et d’investir dans l’un ou l’autre des procédés de projection. Ils s’interrogent, entre autres, sur le fait de savoir qu’elle pourra être la réaction des réalisateurs, et des directeurs de la photo curieux du suivi de leurs images, de voir projeter leur film ici ou là sur un écran métallisé (et en particulier au moment de la promotion du film à Paris et ailleurs en France).

Afin d’informer, et d’alerter, les principaux intéressés (directeurs de la photographie et réalisateurs, mais aussi producteurs et exploitants), le département Image de la CST, ensemble avec le département exploitation et la CST elle-même, ont décidé, vu l’urgence et dans un premier temps, de proposer de faire une projection - équivalente à celle qui a eu lieu le 16 au soir - le 30 juin à l’Espace Pierre Cardin, entre 16 et 18 heures, avant l’Assemblée générale de la CST, pour les membres de l’AFC, de la SRF et de l’ARP.

Dans un deuxième temps, à la rentrée de septembre, une projection de plus grande envergure devrait être destinée à un plus large public de réalisateurs, producteurs et exploitants.

Ce qui devrait laisser le temps, pour nous AFC tout comme l’ARP et la SRF, de faire circuler l’information qu’il y a comme qui dirait péril en la demeure et d’inciter et de convaincre les exploitants de faire le bon choix dans l’intérêt de tous.