Tentative d’état des lieux, au 3 juillet 2013

Frédéric Sauvagnac, directeur de production, ADP

La Lettre AFC n°233

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Avec une prise d’effet au 1er octobre 2013, nos métiers du Cinéma auront donc une Convention collective. Quelle qu’ait été l’âpreté des discussions, il n’y a ni vaincu ni vainqueur. Notre métier doit retrouver l’harmonie et la sérénité qui lui ont fait défaut ces derniers mois et semaines.

Cette nouvelle Convention va fixer des règles communes, dont certaines découlent du droit du travail existant. Certaines vont modifier l’organisation des tournages que nous connaissons depuis des années.
- Temps de travail : c’est l’ensemble du temps de présence sur les lieux du tournage qui va être pris en compte. Dans la limite quotidienne de 13 heures, incluant préparation, tournage, rangement, transport éventuel, repas et pause, le temps de travail et les heures supplémentaires s’apprécieront, comme actuellement, à la semaine. Cela signifie que l’on devra en tenir compte pour les plans de travail. Si on le souhaite, on pourra aussi moduler les journées de tournage, laissant plus de temps à la préparation certains jours et davantage aux prises de vues d’autres jours. Le repos minimum entre deux journées de travail sera désormais de 11 heures.

- La limite européenne du temps de travail est de 48 heures par semaine. Comme par le passé, il est et sera possible de demander à l’Inspection du Travail des autorisations de dépassement de cette limite. Les expériences actuelles montrent que la demande doit être motivée et encadrée (à une partie de l’équipe ou du tournage), mais qu’un refus est loin d’être systématique. En outre, on peut espérer que l’existence de la convention collective rende plus facile ces dérogations. Peut-être même une évolution prochaine de la réglementation permettra d’aller, par une démarche simple, jusqu’aux 60 heures décrites dans la nouvelle Convention. Cela est à suivre.

- Les heures d’équivalence permettent, en tournage, de ne pas rémunérer de 1 à 4 heures, selon les postes, sur une enveloppe de 45 à 47 heures de présence par semaine de 5 jours. Cette disposition existe dans d’autres métiers (comme certains secteurs de la vente) dont la spécificité empêche un travail en continu. Il faut préciser que :

  • un décret du gouvernement sera nécessaire pour que les heures d’équivalence puissent être appliquées, d’ici le 1er octobre 2013 ;
  • le dispositif des heures d’équivalence ne change pas la limite hebdomadaire, temps de travail rémunéré et heures d’équivalence mélangées, qui ne devra pas dépasser 48 heures, et peut-être plus tard 60 heures. En outre, les heures de travail effectif, au-delà de l’enveloppe fixée à 45 ou 47 heures, seront des heures supplémentaires majorées.

- Main d’œuvre et techniciens sont maintenant réunis en une seule convention.

- Pour chaque membre de l’équipe technique il sera établi par la production un décompte déterminant les durées respectives des heures de travail effectif, des pauses repas et heures de transports éventuelles. Ce décompte sera remis au salarié le lundi suivant chaque semaine de travail.

Il est important que chacun lise le texte de cette nouvelle convention qui entrera en validité le 1er octobre 2013. Durant les trois prochains mois, les partenaires sociaux pourront encore négocier des aspects de l’annexe III du titre II, consacrée à certaines catégories de films ayant des difficultés à réunir un financement suffisant et qui, sous réserve de critères d’éligibilité, pourront déroger aux salaires minima de la convention. Il conviendra aussi de définir les modalités d’application et de fonctionnement de cette annexe. Certains, enfin, attendent une aide particulière pour ces films.
Ces trois mois seront utiles aussi pour organiser les plans de travail et les devis des films en projet, en fonction de cette nouvelle convention.
Enfin, les partenaires sociaux sont parvenus à un accord sur le Titre III de la Convention, consacré aux Artistes interprètes et aux Acteurs de complément. Son texte va être mis à la signature par les partenaires sociaux au cours du mois de juillet. Pour qu’il puisse faire partie de la convention, le Titre III doit être validé par le Bureau du Travail, comme l’ont déjà été les Titres I et II qui viennent d’être étendus et soumis à la Sous-commission des Conventions et Accords dans laquelle siègent les représentants des grandes organisations ou confédérations syndicales d’employeurs et de salariés.

Ce qui se met en place ne doit pas faire oublier l’ensemble des problèmes liés aux délocalisations économiques des tournages et à la refonte nécessaire des sources de financement des films. Une délocalisation, même si elle est actuellement encore un moyen de pallier les difficultés de financement de certains films, représente une perte pour la collectivité ; pas seulement pour les industries techniques, les techniciens et les comédiens du Cinéma. De même,il faudra trouver un modèle de financement des films qui reflète l’évolution de l’ensemble de l’exploitation et de la diffusion.

La France est un pays de cinéma. Sa population aime le cinéma. Pour ceux qui aiment les chiffres et comparer la France à l’Allemagne, ses 65 millions d’habitants assurent, chaque année, aux alentours de 200 millions d’entrées, quand 82 millions d’Allemands donnent une fréquentation de moins de 130 millions. Dans le même temps, tous ceux qui travaillent sur les films aiment leur métier, se passionnent, la plupart du temps, pour les films qu’ils font.
Personne ne travaille dans le cinéma par obligation, même si cela leur coûte parfois cher, qu’ils soient Producteurs, Réalisateurs, Auteurs, Acteurs, Techniciens ou membres des Industries Techniques. Alors continuons de travailler ensemble, car c’est ensemble que nous trouverons les solutions qui permettent aux films d’exister et d’être vus.