Tirez la langue, mademoiselle

Axelle Ropert a pris l’habitude de m’envoyer des petites notes quand on prépare un film (c’est le troisième que nous faisons ensemble). Je sais qu’un jour au cœur de la phase de préparation, une de ces notes va me sauter au visage comme un écho attendu au scénario, comme un phare dans la nuit. Cette fois, c’est celle-ci qui s’est détachée des autres pour éclairer le chemin.

« Le modèle serait l’avenue d’Ivry quand tombe la nuit : rouges brillants, jaunes brillants, noirs profonds et électriques, une lumière très brillante, un peu comme une carrosserie de voiture, pas mate ou douce du tout, plutôt rutilante, mais une rutilance comme arrachée à la ville. »
J’imagine qu’on peut construire beaucoup de choses à partir de ceci mais pour moi, cela ne voulait dire qu’une chose : de cette histoire pudique et sourde, il fallait exprimer l’émotivité nerveuse mais sans l’amener dans le mélo flamboyant. Comme si c’était du réel qu’il fallait sortir le brillant. Couleurs, contrastes, oui, mais comme arrachés au quotidien, en préservant une forme de fragilité.
Et si l’on suit cette logique, cela veut dire des choix très précis de décors ; intérieur comme extérieur. C’est là où s’est située notamment l’intelligence du producteur David Thion (c’est le 10ème film que nous faisons ensemble) qui, dans un budget très serré, nous a permis de commencer les repérages très tôt en amont (en mai pour un tournage en octobre). Souvent quand on est " petit ", on ne jure que par la spontanéité et l’instant présent (il y a de superbes précédents), mais pourtant on peut choisir le chemin opposé et opter pour la préméditation, question de goût certainement, mais question d’instinct surtout.

Nous étions trois à l’image. Louise Molière fraîchement sortie de l’Ecole Louis-Lumière, qui était ma stagiaire électro pleine d’énergie et de curiosité ; et mon assistante camera fidèle et tout terrain, Marion Befve. Une toute petite équipe formée pour permettre un tournage plus long. Là encore un choix important : choisir sa richesse et sa pauvreté, sa lourdeur et sa légèreté plutôt que de la subir, souvent facile à dire mais toujours un crève-cœur au moment de trancher.

Je tiens à mentionner une belle collaboration avec Samuel Renollet de chez RVZ, qui a suivi le projet de très prés, et a eu l’idée de nous faire essayer les optiques " Elite " ; vieilles optiques très diffuses et douces que nous avons utilisées pour la nuit. Pour le jour, nous avions un zoom Angénieux Optimo 28-76 mm avec un filtre Schneider Classic Soft un et un filtre Schneider Hollywood Black Magic.

Merci également à Raphaëlle Dufosset, étalonneuse chez Eclair, avec qui nous avons pris le temps de fabriquer des LUTs de visualisation plateau pour la Red Epic. LUTs et réglages d’étalonnage que nous avons retrouvés à l’étalonnage des rushes ainsi qu’à l’étalonnage def, ce qui rendait la chaîne très cohérente et fluide.

Crew

1ère assistante caméra : Marion Befve
Stagiaire électro : Louise Molière

Technical

Matériel caméra, lumière et machinerie : RVZ Location (caméra Red Epic et zoom Angénieux Optimo 28-76 mm)
Postproduction : Eclair Group
Etalonnage : Raphaëlle Dufosset