Toute ressemblance...

L’éditorial de la Lettre de septembre 2013, par Matthieu Poirot-Delpech, AFC
Détroit. La ville est en faillite. Les mastodontes de l’automobile sont partis construire des limousines sous des cieux plus arrangeants. Ceux qui n’ont pu partir tentent de survivre. Et la vie continue...

Le directeur du Detroit Institute of Art (DIA) a vu débarquer dans son musée les hommes de l’administrateur spécial nommé par l’Etat du Michigan pour redresser les finances de la ville (Le Monde, 12 août 2013). Devra-t-il se résoudre à se séparer de ses tableaux de Van Gogh, Fra Angelico, Renoir et autres Bruegel amassés par des milliardaires modernistes à une époque où l’opulence semblait devoir durer toujours afin de participer à l’effort pour réduire la dette galopante (13,4 milliards d’euros) de la ville ?
Laurent Charpentier, le journaliste du Monde, s’interroge : « Que pèse une œuvre face à la détérioration de la condition humaine ? Le patrimoine est-il l’intouchable de l’humanité ? [...] La culture peut-elle continuer à faire comme si le monde ne s’écroulait pas alentour ? Et ici, plus qu’ailleurs, croyez-le, il s’effondre. »
Ces toiles de maîtres trouveront peut-être de nouveaux écrins plus rutilants…

Paris. Le musée de La Poste propose une exposition croisée de Jean Dubuffet et Gaston Chaissac (34, boulevard de Vaugirard, Paris 15e, jusqu’au 28 septembre). Sales gosses dissipés et géniaux qui revendiquaient d’être les seuls à « peindre comme tout le monde ». Des portraits en houille ou en éponge. En tampon Jex. En Paris-Soir roulé en boules. « C’est si amusant de peindre… même un mauvais tableau », plaisantait Dubuffet tandis que Chaissac se vantait d’employer des « couleurs dégueulasses » (Correspondance ; Gallimard, 2013). Nous étions dans les années 1950. Les usines General Motors de Détroit tournaient encore à plein régime.